Presse
Le fondateur et créateur de So Foot et Society s'acharne à réenchanter le média papier. Mais il est aussi devenu un acteur grandissant dans le film publicitaire et s'attaque au cinéma.

Tout chez Franck Annese respire le cool. À commencer par son look d'ado : jean, baskets et casquette. Dans ses relations humaines, il instaure d'emblée le tutoiement et des échanges sur un pied d'égalité. Même lorsqu’il s‘adresse aux éditeurs, comme au salon La Presse au Futur, fin novembre : alors que ses homologues y vantent les performances de leurs groupes de presse, furieusement challengées par l’info gratuite en ligne, il évoque son contrôle fiscal. La législation permet deux hors-séries par an pour les mensuels et six pour les hebdos avec une TVA à 2,1 %. Au-delà, c’est 20 %. Il en a fait les frais. Bon camarade, il partage l'info. De même qu'il s'avoue content d’afficher la une de Society sur les dos de kiosques pour soutenir ses ventes... et une filière de distribution et de diffusion aux abois.

Sans répit

En 2015, il a investi 4 millions d'euros pour lancer son quinzomadaire. Chaque année, il en dépense 500 000 en promotion. « Ce n’est pas rentable car il faudrait vendre le double de numéros pour rentrer dans nos frais [Society : 48 525 ex. en 2017-2018 dont 40 % d’abonnés]. Mais c’est notre part pour financer le réseau. Ça nourrit aussi notre image et l’estime de soi du journal » analyse Franck Annese.

Sa simplicité pourrait presque faire oublier qu'à 41 ans, il est devenu le patron de presse le plus innovant de la dernière décennie. L’air de rien, mais en bossant 16 à 18 heures par jour. Sans répit. Et sans truster les plateaux télé ou les dîners en ville. « Je l’ai rencontré en 2006 lorsque nous préparions un supplément sur la Coupe du monde de foot, se souvient Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde. Il était déjà très sérieux et impliqué. Mais il a gagné en étoffe et en densité. C'est étonnant de voir à quel point il ne s’est pas rangé depuis. Il continue de détonner parmi ses pairs, tout en y ayant sa place. »

Du rock dégoulinant

Pourquoi se contraindre aux codes d’un milieu réputé formaliste voire élitiste ? Franck Annese aime créér les magazines qu'il a envie de lire (So Foot, Society, Doolittle, So Film, Pédale!, Dada, L'étiquette), en superviser chaque étape et même jouer de la guitare les soirs de bouclage, « du rock américain dégoulinant » s'amuse son complice Marc Beaugé, également chroniqueur dans l'émission Quotidien et à M le Magazine. Après quinze ans dans la presse, il emploie une centaine d'équivalents temps plein et une cinquantaine d'indépendants.

Il a intelligemment diversifié son groupe pour assainir ses comptes. Sur le chiffre d'affaires global [20 millions d'euros en 2018], les médias ne représentent guère plus de la moitié, avec une marge de 170 000 euros pour la presse, et une activité d'édition de livres (dont un à venir sur Thierry Ardisson via So Lonely). Le reste ? 1,5 million d'euros pour le brand content et pas moins de 8 millions d'euros pour la production de pubs via Allso (BETC Lacoste) et Sovage (Citroën avec Humanseven). Sa prochaine étape ? Le cinéma, avec en 2019 le premier long-métrage qu'il produit, Méduse, réalisé par Sophie Lévy. 

Profil addict

En le questionnant sur son parcours, on ne s'étonne pas d'apprendre qu'il n'est pas du sérail. Franck Annese a grandi dans un milieu modeste. Parce que le père est technicien, adossé à son pylône TDF, la famille (Franck, son frère et les parents) fait un tour de France avant d’atterrir à Nancy. « J'ai toujours été dans mon élément partout » reconnaît Franck Annese. Ses parents le rêvent en polytechnicien. Mais en dépit d’un 20/20 au bac en maths, il choisit de suivre son meilleur copain, Erwan, en prépa HEC à Strasbourg. Deux arguments ont suffi à le convaincre : plus de filles qu’en maths sup et un internat.

Il y a passé les meilleures années de sa scolarité. « J’avais la clé de l’étage de la salle de musique et du dortoir des filles. Ma chambre était la seule équipée d'un lavabo. Beaucoup d'entre elles venaient se brosser les dents chez moi après le déjeuner » s'amuse le fanfaron. Il intègre l'Essec et lâche la rampe de l'excellence scolaire pour s'atteler aux médias : il monte une radio FM et crée un fanzine. Il a trouvé sa voie. Bourreau de travail un jour, bourreau de travail toujours, il trouve à chaque instant un projet pour se challenger. « J'ai une nature tellement addictive que je n'ai jamais fumé une cigarette ou un pétard. Si je touchais à la drogue, j'aurais une overdose en trois semaines. » Mieux vaut faire des pubs et des médias...

Parcours 

1977. Naissance.

1993. Il crée un fanzine avec des copains « Erections capillaires ».

1997. À l'Essec, il crée une première radio associative en FM.

1999. Il lance Sofa magazine culturel avant de travailler pour un cabinet d'audit.

2003. Il quitte Culture Pub et lance So Foot.

2011. Il lance So Film après avoir créé Pédale!.

2015. Il publie le quinzomadaire Society.

2019. Il produit Méduse, son premier film.

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