Dossier Publicité extérieure
Pour la publicité dans les transports ou en ville, d’importants appels d’offres sont en cours ou attendus prochainement. De quoi redistribuer les cartes du marché de l'affichage dès cette année.

Le secteur de la publicité extérieure serait-il à un tournant ? Oui, au vu des enjeux qui s’annoncent. Et pour rester dans la course, la bataille promet d’être serrée entre les principaux opérateurs qui affûtent leurs armes pour peser dans les combats qui se sont ouverts ou vont s’ouvrir. « Nous sommes à une période charnière passionnante car dans les trois ans, les trois plus gros contrats dans les transports (RATP, Aéroports de Paris, SNCF) arrivent à échéance », dépeint Jean-François Curtil, président-directeur général d’ExterionMedia, récemment racheté par le groupe britannique Global. Et ce « challenger » dans le domaine face aux poids lourds que sont JCDecaux (plus d’un milliard de faces publicitaires dans le monde) et Clear Channel (32 millions de consommateurs touchés chaque semaine, pour la France) d’assurer de sa « légitimité naturelle forte » sur ces sujets.

  • RATP

La première de ces batailles est celle de la publicité dans le métro parisien. Un marché âprement disputé où chacun veut sa part du gâteau. Un appel d'offres a été lancé en mars pour choisir - ou conserver - la future régie qui en aura la responsabilité. Depuis 70 ans, c’est Metrobus (Mediatransports), société de Publicis à 67% et JCDecaux à 33 %, qui occupe le marché. « Un contrat historique, structurant pour l’entreprise », reconnaît Valérie Decamp, directrice générale de Mediatransports, qui compte garder la main. « Nous sommes le seul pure player des transports. Cela nous donne un avantage significatif », affirme la dirigeante, qui met aussi en avant son dynamisme, de presque 25 % de croissance sur les quatre dernières années. Une place de leader qui lui sera disputée. « Nous poussons une composante d’information, de divertissement via un partenariat avec Brut », confie Philippe Baudillon, président de Clear Channel France. « Nous sommes un fournisseur de solutions dans l’âme, argumente Jean-François Curtil d’ExterionMedia. Nous sommes aussi flexibles et data driven ». De son côté, JCDecaux n'a pas candidaté. « Actionnaires de la société [qui détient actuellement le marché], nous ne nous sommes pas présentés », indique Isabelle Schlumberger, directrice générale commerce, marketing et développement de JCDecaux France.

« Le résultat de l'appel d'offres pourrait redistribuer les cartes. Si ce n’était pas Mediatransports, la balance serait différente », explique Mickaël Henry, patron de Posterscope, agence spécialisée dans l’OOH (out-of-home) du réseau Dentsu Aegis Network, reconnaissant, en parallèle, le rôle « précurseur » de la régie dans le développement de l'affichage digital (DOOH). « Le métro à Paris a vécu une excellente année 2018 avec une multitude de formats, des possibilités créatives offertes aux marques. L’implantation digitale a été beaucoup améliorée, analyse Isabel Pires, à la tête de l’OOH chez Havas Media. Mediatransports, ou quelqu’un d’autre, devra continuer à améliorer la qualité perçue de la communication dans cet univers et offrir des choses plus utiles aux voyageurs. »

  • Toulouse et Lille

Un appel d’offres est en cours sur le réseau de transport de Toulouse, Tisséo. « Nous avons la partie bus depuis les années 1990 et nous avons gagné face à Exterion il y a cinq ans sur la partie métro, rappelle Valérie Decamp. La région se développe fortement d’un point de vue démographique, économique… Nous capitalisons sur les territoires porteurs. » Un appel d’offres auquel Clear Channel et ExterionMedia comptent également répondre.

Cette remise en jeu constitue pour les observateurs un facteur de redynamisation. « C’est reboostant pour les citoyens et la ville. Cela apporte plus de technicité sur les territoires et permet d’être plus serviciel », note Nathalie Cristofoli, chargée d’études au sein de Posterscope. « Il y a un enjeu dans toutes les grandes villes qui sont bataillées par les grandes régies », commente Isabel Pires. Du changement est également pressenti dans les transports de Lille. Clear Channel est l’opérateur actuel de ce contrat, dont l'appel d'offres pourrait être publié prochainement.

  • Le mobilier urbain de Paris

C’est une tempête qui a récemment soufflé dans la capitale lorsque le Conseil de Paris a attribué début avril à Clear Channel le contrat des panneaux publicitaires, détenu depuis 1976 par JCDecaux. « Ce n’est pas symbolique, c’est “le” contrat premium et majeur d’affichage à Paris », analyse Philippe Baudillon. « La symbolique avait déjà été un peu ébranlée à la perte du Vélib’ gagné par Smovengo », se remémore Mickaël Henry. « Nous allons avoir une offre parisienne et nationale très forte. Cela donne aux annonceurs une nouvelle capacité de choix et ouvre des possibilités sur des dispositifs papier et digitaux », assure le patron de Clear Channel. Ce nouveau contrat devrait représenter une manne financière pour la ville de Paris : 34 millions d'euros de minimum garanti par an et 70 % de variable. 

« Plus de 1 600 panneaux vont revenir dans la capitale. Pour la profession et le média, c’est positif car cela signifie davantage d’espace publicitaire et de possibilités pour les marques de communiquer. C’est positif aussi pour Paris », remarque Mickaël Henry. « Cela rééquilibre un rapport de force entre JCDecaux et Clear Channel dans la capitale en termes de faces », explique Nathalie Cristofoli.

Une nouveauté qui, toutefois, ne plaît pas à tout le monde. JCDecaux avait en effet déposé un référé au tribunal administratif en avril. « ExterionMedia a aussi déposé un recours en référé car nous estimons que la procédure choisie par la Ville n’a pas été correctement suivie », explique Jean-François Curtil. Ces deux recours ont été rejetés. 

JCDecaux a, en revanche, remporté le contrat pour les nouvelles colonnes porte-affiches pour la Ville. Ce sont ainsi 750 colonnes et mâts-drapeaux qui devraient remplacer les mobiliers existants au second semestre 2019. Mediakiosk, filiale de JCDecaux, est aussi en train de déployer les nouveaux kiosques à journaux dans la capitale. « Fin mai, 200 auront été installés sur les 340 prévus à fin 2019 », précise Isabelle Schlumberger.

  • Grenoble

Bien que la ville se soit positionnée comme « anti-pub », il reste, en pratique, des espaces accessibles aux annonceurs. JCDecaux a annoncé en avril avoir remporté le contrat des abris-voyageurs de l’agglomération, soit plus de 1 100 abris, pour une durée de 12 ans. « Grenoble est l’une des premières villes à transformer l’abribus en nœud d’information », relève Isabelle Schlumberger. Informations locales ou sur les autres types de déplacement, ces abribus ont vocation à renseigner sur une variété de sujets. Et à rendre service : ils proposeront, par exemple, des boîtes à livres.

  • SNCF

Un appel d’offres devrait aussi lancé pour la publicité dans les gares en 2020. Un marché détenu depuis 2008 par Mediatransports, via Mediagares, la régie publicitaire de la SNCF et de RFF. L’enjeu est d’autant plus grand qu’il est national. « C’est aussi un univers innovant où l’implantation digitale a été très bien réussie », ajoute Isabelle Pires. Sans compter que l’audience est au rendez-vous. « Les gares se transforment. Il y a un véritable enjeu à répondre correctement à cette transformation de l’univers en lui-même », avance Mickaël Henry. Certaines deviennent de mini-centres commerciaux voire des lieux de vie, à l’instar de la gare Saint-Lazare à Paris. Dans ces espaces, de nouveaux formats font leur apparition, comme les garde-corps digitalisés.

  • Unibail

Côté centres commerciaux, des contrats historiques ont récemment été bouclés. Après avoir remporté en 2015 l’appel d’offres pour Carrefour entre autres, Clear Channel se développe dans de nouveaux espaces comme à Bercy Village à Paris, gagné en janvier dernier. Autre sujet d’actualité, « le rachat de Westfield [groupe australien spécialisé dans les centres commerciaux] par Unibail qui peut peut-être amener des changements », anticipe Mickaël Henry. Par ailleurs, JCDecaux a remporté fin 2018, pour huit ans et demi, les espaces publicitaires intérieurs de deux grands centres commerciaux de Londres. Le dynamisme de la publicité extérieure n’est pas près de se tarir.

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