Tribune
L’urgence climatique, le contexte sociétal et politique ont créé un nouveau territoire à conquérir par les marques, celui des prises de position vis-à-vis des grands enjeux de notre époque.

L’étude du cabinet new-yorkais Edelman est passée inaperçue ou presque. Celle-ci a tout de même été mentionnée par Emmanuel Faber chez Danone et visiblement intégrée par Nike à travers sa récente campagne de soutien à Colin Kaepernick, Serena Williams et d’autres. Menée sur 14 000 consommateurs, dans 14 pays, elle ajoute à la conversation des données pressenties mais qui ne peuvent plus être ignorées : 57% des consommateurs achètent ou boycottent une marque selon ses prises de position sur des sujets de société.

Un tiers (30%) de la population interrogée déclare aussi avoir renforcé ou adopté ce comportement dans les trois dernières années. Plus encore, un quart des consommateurs seraient prêts à consommer et recommander une marque si celle-ci leur permet d’exprimer leurs croyances et opinions. Et un autre quart changeraient leur comportement selon la prise de position d’une marque sur un sujet. Ces deux catégories représentent plus de la moitié des consommateurs interrogés. Et cerise sur le gâteau : elles sont surreprésentées chez les millennials et la génération Z, et plus leurs revenus augmentent, plus leur proportion croît.

Ces communautés de consommateurs représentent la porte d’entrée de la conquête des marchés : ils sont les « innovateurs » et « primo-adoptants ». Ils sont les porte-paroles et prescripteurs d’une marque, les micro-influenceurs hors d’atteinte du marketing direct.

Une attente de réaction

La réalité de la loi de diffusion de l’innovation étant largement acceptée, il semble logique de valider que ce groupe de consommateurs est essentiel à la pénétration d’un marché et sa transformation sur le marché de masse. Exigeants dans leurs relations avec les marques, ce n’est pas une surprise de constater leurs attentes de réaction vis-à-vis des crises qui nourrissent l’actualité. Ces consommateurs agissent en conscience. La loyauté, graal du communicant, est à nouveau à portée de main des marques, dès lors qu’elles s’assumeront et profiteront des actualités pour prendre la parole, et positionner l’identité et les valeurs qui les définissent.

À l’heure où certains réalisent encore qu’il est nécessaire d’agir tout autour de ses parties-prenantes, le constat (malheureux) d’une certaine défiance des institutions politiques oblige les marques à prendre les devants. Il est essentiel de garder à l’esprit que cette demande d’actions sociétales des entreprises est née des manquements des institutions usuellement habilitées par la conscience collective sur ces sujets. Cela est donc né d’un constat du manque d’actions (ou d’un échec mondialisé à communiquer sur ces dernières) menant à une perte de confiance. Et c’est ce lien que les consommateurs cherchent à nouer avec les marques.

Le relai d’actions réelles

Considérer ces résultats comme des caprices momentanés serait reproduire des erreurs commises ailleurs il y a quelques années, donnant lieu à la situation que nous constatons aujourd’hui en politique. Alors la fin de la consommation des modèles d’engagement tels que nous les connaissons induit l’opportunité suivante pour les marques : agir pour se définir, le faire savoir pour conquérir.

Entre ensuite en jeu l’habituelle variété de canaux pour relayer ces engagements, le digital et le earned media en tête. Mais une chose est certaine : la communication doit être le relai d’actions réelles au service des « big ideas » d’une entité. Il faudra agir et considérer la valeur sociétale égale à la valeur financière. Sans ça, impossible de prédire la loyauté des consommateurs, et exit les plans d’investissements. Plus que jamais, il faut penser long-terme, agir pour construire aujourd’hui et demain.

Quoi qu’on en dise, Nike a construit sa légitimité à travers des actions via plusieurs générations d’athlètes et elle assume aujourd’hui ce qu’elle a toujours été. À l’inverse, le maquillage avec des mots et du factice ne résistera plus longtemps à la volonté des consommateurs d’être informés et/ou de ne plus être trompés. Après toutes ces années où la com a proposé de porter les valeurs d’un produit, peut-on vraiment reprocher aux consommateurs d’exiger des marques représentants leurs décisions d’achats d’être elles-même honnêtes et engagées ?

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