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A Nous Paris, My Little Paris... Des médias qui s'adressent principalement aux jeunes confient les clefs de l’entreprise à leurs employés de moins 25 ans. Retour d'expérience.

[Cet article est issu du n°1932 de Stratégies, daté du 11 janvier 2018]

 

Ils s'appellent Minutebuzz ou My Little Paris et représentent aujourd’hui un modèle de réussite dans le digital. Pourtant force est de constater que la moyenne d’âge de leur équipe dépasse rarement la trentaine. Celle de Minutebuzz est de 26 ans, et l’employé le plus âgé n'a pas plus de 36 ans. Le fondateur Maxime Barbier, 33 ans, affirme - « Nous sommes dans un format d’entreprise libérée où l'on pense que ce n’est pas l’âge qui doit faire les responsabilités, mais l’énergie que l’on apporte. Il y a beaucoup de gens de moins de 30 ans qui ont de vraies responsabilités ». C’est le cas d’Elise Goldfarb et Julia Layani, les rédactrices en chef de Fraîches, nouveau média féminin socialvidéo, qui ont toutes deux moins de 25 ans. Au sein du pôle, les deux jeunes femmes décident entièrement de la ligne éditoriale. Un pari semble-t-il gagnant, puisque le format rassemble 1,7 millions de fidèles.

Le bel âge

Le fondateur se targue de générer « des centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires depuis sa création ». Selon lui, il ne faut pas confondre âge et manque d’expérience. « Si tu as 20 ans et que tu as arrêté l’école à quinze ans pour faire des vidéos cela veut dire que tu as déjà cinq ans d’expérience. L’âge est donc insignifiant pour moi. »

Pour le pôle millennial de My Little Paris, la tranche d'âge constituait au contraire une caractéristique majeure lors de sa création. En effet, une enquête menée par le pure player auprès de 10000 individus de la génération Y en novembre 2017, révèle que plus 87 % des femmes de cette génération ne se sentent pas représentées par les médias féminins. Anne-Flore Chapellier, cofondatrice de My Little Paris explique « La cible millennial équivaut à 60 % de notre audience totale. On a compris que si nous voulions faire des offres pertinentes à toute cette cible, il fallait constituer une équipe de cet âge-là ». La cofondatrice du groupe tient pourtant à le souligner, « c’est une approche un peu différente de celle que nous avons d’habitude avec nos autres collaborateurs, car certains postes ont besoin d’expérience ». Un point sur lequel s’accorde Maxime Barbier « l’expérience est nécessaire pour beaucoup de nos postes comme les commerciaux parce qu’il y a un processus à suivre et qu’il faut aussi avoir un bon réseau ».

Accélération 

Selon Marie Desplats, co-auteure de Manager la génération Y : « Avec la digitalisation on assiste à une réelle accélération de l’environnement de travail. La génération Z, c’est-à-dire ceux qui sont nés à partir des années 1995, sont parfaitement configurés pour cela parce qu’ils ont une compréhension intuitive de leur environnement ».

Certains médias traditionnels ont décidé d’intégrer cette réalité à leur processus de digitalisation. « Nous travaillons avec une nouvelle rédaction sur le digital parce que nous savons que notre cible est plus jeune sur ce format, explique Sandrine Geffroy, directrice déléguée d'A Nous Paris. La grande majorité des rédacteurs ont entre 25 et 35 ans. Ils parlent à leur génération… Il était donc logique de les recruter. Même si nous leur laissons beaucoup d’autonomie et un grand terrain de jeu (Paris), le contrôle et l’accompagnement restent très souvent nécessaires pour certains d’entre eux, surtout au début ! ». Au sein de l'hebdo, on reconnaît que les qualités organisationnelles s'acquièrent avec le temps. Lorsqu’on échange des idées, l'âge importe peu, mais sur du suivi de projet, l'expérience ne nuit pas. Un sujet sur lequel diverge Maxime Barbier : « Chez nous il n’y a pas de manager, nos employés sont responsabilisés dès le début, quel que soit leur âge ».

Infidèle au poste

Autre caractéristique : même si cette génération est très engagée dans le travail, elle reste néanmoins difficile à fidéliser et recherche avant tout des expériences enrichissantes. « Les millennials n’ont pas du tout le même rapport au travail que leurs ainés, ils ne se voient pas toute leur vie dans la même entreprise, ils veulent varier leurs activités et avoir de plus en plus de responsabilités », ajoute Marie Desplats. Même constat pour My Little Paris où l’entreprise offre à ses recrues de varier leurs activités. Lola Voute, 25 ans et rédactrice en chef du pôle millennial en témoigne : « À mon arrivée il y a deux ans, je m’occupais de la newsletter, six mois après je travaillais déjà en studio en tant que conceptrice rédactrice. Et depuis un an et demi je suis sur le pôle millennials à la rédaction de Tapage et de My Little Beauty, les deux nouveaux médias du groupe ».

Chez Minutebuzz, où la responsabilisation intervient très tôt, Maxime Barbier affirme même que sur les 75 personnes que compte l’entreprise « trois ou quatre personnes seulement ont quitté l’aventure, dont une qui est revenue ». Le jeune entrepreneur poursuit : « Je pense fondamentalement que le malaise des jeunes au sein de l’entreprise résulte du fait que celle-ci ne discute pas avec eux. » De même pour la directrice communication d’A Nous Paris : « Je n’hésite pas à intégrer les personnes plus jeunes dans les processus de décision. Même la fiche de poste change en fonction des recrues. »



Point de vue

 

« Les juniors ont un rôle sociétal à jouer »

Par Marie Desplats, co-auteure de Manager la génération Y

« Nous vivons un changement de paradigme. Ces dix dernières années, les choses ont beaucoup évolué et l’accélération est toujours en cours. Nous assistons déjà à une modification des comportements. Contrairement à leurs aînés, les jeunes de la génération Z ont beaucoup moins d’états d’âme. Ils ont intégré un environnement où il est clair que les trente glorieuses sont bien derrière, et que s’il faut faire quelque chose, c’est à eux d’agir.

Les juniors ont un rôle sociétal à jouer dans les prochaines décennies ; je crois beaucoup au Mentoring inversé. Traditionnellement, les seniors apprenaient aux plus jeunes, aujourd’hui les rôles s’intervertissent. Il est vrai que dans quinze ans les générations X seront minoritaires dans les entreprises. Pourtant, il ne faut pas négliger les valeurs ajoutées de cette génération plus ancienne. Le rôle de l’entreprise est de pouvoir établir un management qui puisse mettre en avant les valeurs ajoutées de chacun pour éviter une fracture sociale dans l’entreprise.

Le 20e siècle était bâti sur l’expérience et sur des entreprises qui se définissaient dans la perspective. Le 21e siècle a besoin de se construire en prospective, c’est-à-dire de toujours visiter le futur pour décider du présent. Il se dit que nous n’avons plus trop besoin du passé ; nous le voyons aussi en politique ».

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