Inspirations
Les marques empruntent à la nature pour l'intégrer dans leur design et commencent à rendre en retour. Expression d'un besoin de retour aux sources ou simple lubie, l'organique s'incruste partout.

[Cet article est issu du n°1945 du 5 avril 2018]

Couleurs végétales, matériaux nobles, formes épurées, la nature prend le pas sur la création design. Née du mouvement artistique de l’Art Nouveau, cette relation au départ plus réaliste que poétique apparait vers la fin du 19e siècle début du 20e. L’architecture s’inspire subtilement de la nature pour la retraduire sur les devantures de bâtiments. La Sagrada Familia, monument emblématique de la ville barcelonaise en est l’illustration parfaite. Dans la continuité de ce mouvement, les designers de mobilier ont repris la morphologie des éléments issus de la nature dans la création de meubles. Chaise gracile comme un roseau, table en bois de hêtre ou toile de papyrus, tout est prétexte à l’adaptation. Promenade dans la nature design avec l’agence de design Superunion, qui a réalisé une étude sur le sujet, intitulée « Quand la nature se démarque ».

« Les marques de luxe citadines puisent dans des natures sauvages »

Dans le cadre de leur renouvellement de thème de communication et de collection en 2016, Hermès a donné carte blanche au photographe Yoshihiko Ueda. Armé de son appareil, l’artiste japonais a capté l’essentiel de la nature pour la nouvelle campagne de marque « Grandeur nature ». Les herbes sont hautes, le vent souffle, la nature foisonne au point d’aspirer les modèles pour ne montrer que les accessoires de la nouvelle collection signée Hermès by nature. « Chaque année, un thème sert de fil conducteur, de guide pour les artisans mais aussi pour les collaborateurs », explique la directrice de la stratégie. Dior va encore plus loin. Avec la sortie de son parfum pour homme Sauvage, la Maison de luxe part à la rencontre d’hommes indomptés et suit l’expression de leurs instincts primaires dans la campagne « Tales of the Wild ». « Le rapport à la nature permet aux marques d’explorer des territoires contre-intuitifs . Le contraste est d’autant plus intéressant entre le produit vendu et le thème que ce sont des marques de luxe, donc plutôt citadines qui vont puiser dans des natures sauvages », expose Nicolas Minisini, planneur stratégique de Superunion. L’agence Peclers révélait d’ailleurs en 2017 une tendance à l’ensauvagement, un retour aux sources nécessaire qui suscite à la fois admiration et fascination. La nature s'offre sans concession mais il ne s'agit pas de la piller sans rien donner en retour... Certaines marques expriment d'ailleurs leur gratitude. Comme le champagne Roederer qui dans sa campagne intitulée « La différence en Crystal » reconnaît son insignifiance face au gigantisme de la nature et vante la contribution de cette-dernière à l’élaboration de son champagne d’exception. Du donnant-donnant symbolique.

Aménagement de concept store ou scénographie

Quoi de plus marquant et rafraichissant qu’un coin de verdure au beau milieu du bitume parisien ? C’était l’idée de l’artiste plasticien Leandro Erlich qui a littéralement fait entrer le ciel au Bon Marché. Sous la forme d’un trompe l’œil, le plafond s’ouvre sur une verrière agrémentée d’un ciel bleu parsemé de quelques nuages. Une installation autant admirée par les habitués que par les touristes, venus découvrir cette intrusion au sein même d’un magasin emblématique de la capitale.

Dans un autre registre, moins céleste mais plus organique, Nike a lancé la gamme Flyknit, accompagnée du studio d’architecture expérimentale Sabin Design Lab, la marque de streetwear a imprimé en 3D des chaussons personnalisables pour les chaussures de sport à partir de polyester recyclé. Avec, au centre de cette collaboration, le corps humain et à son modèle biodynamique, qui a servi de matrice au pavillon de présentation de l'innovation, prendant la Beijing Design Week, avec un concept d’aménagement cellulaire. Le « Feather Pavilion », conçue par le designer Arthur Huang, prenait ainsi des airs de toile d'araignée fluorescente, avec, déployées comme les ailes d'un papillon, les baskets de la marque.

Un argument différenciant

« L’enjeu des agences de design, c’est d'aller au-delà du packaging. Quand on parle de design c’est plus l’approche des marques, la démarche et le concept pensé derrière le packaging », invoque Camille Yvinec, executive strategy director chez Superunion Paris. La thématique de la protection de l’environnement devient un argument différenciant. L’exemple le plus récent est celui de Lacoste qui, avec l’IUCN, s’est engagé à remplacer le logo de crocodile sur ses fameux polos blancs par dix espèces en voie de disparition. Du côté de Shiseido, le ton a changé avec la sortie de la gamme Waso. Cette fois-ci, les investissements se sont tournés vers la composition des soins beauté plutôt que dans le packaging. La marque s’inspire du washoku, une tradition culinaire japonaise consistant à rendre hommage aux ingrédients issus de la nature, agrémentée d’une sublimation des arômes et de leurs parfums. « En sélectionnant rigoureusement ses ingrédients, Shiseido supprime tous les ingrédients superflus donc plus de paraben, plus d’huile minérale ou de micro-perle plastique », énumère la directrice stratégique. La simplicité ne doit pas être un luxe. Une philosophie que tente également de suivre la styliste thaïlandaise, Suchanatda Kaewsa-ngas. Préoccupée par la surconsommation des ressources naturelles, la styliste rhabille ses modèles de matières premières. À l’aide de filets de pêche, de feuilles de palmiers, de paniers en osier ou de vieux emballages, elle crée des robes de toute beauté... L'ensorcelante Mère Nature ne manque décidément pas d'appas. 





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