Technologie
Le succès des expériences immersives dans le domaine culturel devrait inciter les marques à venir occuper ce terrain, à condition de rester efficaces et pertinentes.

« Nous sommes ravis de ce lancement. Depuis l’inauguration en avril, 5 000 à 7 000 personnes ont visité chaque jour l’Atelier des Lumières. » Pour Michael Couzigou, le directeur de ce nouveau lieu ouvert par Culturespaces dans une ancienne fonderie située entre Bastille et Nation, à Paris, cela ne fait aucun doute: le public, aujourd’hui, est prêt à tenter des expériences nouvelles en matière culturelle. Ici, on lui propose de pénétrer à l’intérieur des œuvres d’art, celles de Gustav Klimt pour ouvrir le feu, grâce à l’installation de 140 vidéoprojecteurs et de 50 sources sonores. 

Le constat est identique à la Villette avec une exposition très onirique du collectif japonais Teamlab qui a fait sensation tout l’été. « Nous avons été surpris du succès rencontré, nous avons accueilli trois fois plus de visiteurs que prévu, avec 4 000 personnes par jour le week-end et de 2 000 à 3 000 en semaine », se réjouit Didier Fusillier, le président de la Villette. Il s’agissait là aussi d’une installation de vidéoprojection avec des capteurs infrarouges permettant au public d’interagir avec l’œuvre et de la voir évoluer en fonction de ses déplacements.

Le Forum des Images, à Paris, teste pour sa part, depuis un an et demi, une autre technique immersive, la réalité virtuelle [VR]. Chaque samedi, cette institution propose plusieurs séances collectives au cours desquelles le public est invité à s’équiper d’un casque de VR pour se plonger dans une fiction ou un documentaire tourné avec une caméra à 360°. Là aussi, le succès est au rendez-vous. « Les séances, qui accueillent une vingtaine de personnes à chaque fois, sont souvent complètes mais nous avons mis un an à conquérir ce nouveau public », précise toutefois Michaël Swierczynski, directeur du développement numérique du Forum des Images. 

Symphonies sous cloche

L’appétence du public pour les expos immersives est telle que celles-ci s’invitent parfois dans l’espace public. Jusqu’au 30 septembre, à Nice, le centre commercial Nicetoile présente une expo « augmentée » sur le plasticien Yves Klein faisant appel à différentes technologies d’immersion, notamment sonores. Le visiteur peut ainsi se glisser sous une cloche pour apprécier la symphonie, en un seul accord, de cet artiste touche-à-tout.

Dîner immersif

La tentation est grande, pour les marques, de venir occuper le terrain des expériences immersives. L’Atelier des Lumières, depuis son ouverture au printemps, a d’ailleurs déjà accueilli plusieurs annonceurs qui ont privatisé, en soirée, les lieux pour projeter leur propre programme immersif. Ce fut le cas notamment de la marque de maquillage Nyx Cosmetics, filiale de L’Oréal, qui avait récréé un univers rose et glamour pour présenter ses produits, ou encore de Malakoff Médéric qui avait imaginé un dîner immersif pour 80 personnes avec un décor évolutif en fonction de l’origine géographique des plats servis. « On peut tout imaginer, c’est quasiment sans limites », indique Michael Couzigou, qui souligne toutefois que ce genre d’opérations nécessite des budgets importants. L’immersion, relève Romain Demongeot, directeur de création pour l’agence de nouvelles technologies Unit9, à Londres, « permet de ressentir émotionnellement une expérience. C’est la même différence qu’entre regarder votre téléviseur et se déplacer au Futuroscope, plaide le créatif. Avec la VR, on va par exemple bien plus facilement faire ressentir l’impression de vitesse d’un véhicule qu’avec n’importe quelle signature de marque, et cette expérience subliminale reste gravée dans la mémoire. » Pour Nicolas Kenedi, associé de L’Expo augmentée, le projet monté autour d’Yves Klein, « le maître-mot, c’est la sensation ». « La technologie et les expériences immersives permettent à n’importe quel public, averti ou non, de découvrir ce qui fait l’essence de l’acte créatif. » 

«Apporter une valeur ajoutée»

Vincent Quenor, cofondateur de l’agence digitale et événementielle Passage Piéton, pose cependant des limites à l’utilisation des nouvelles technologies au service des annonceurs. « Avec la multiplication des technologies, l’erreur, si l’on n’est pas suffisamment vigilant, explique ce professionnel, c’est de croire qu’il suffit de prendre la dernière nouveauté vue à VivaTech, de la mettre dans un pop-up store, et de se dire que c’est gagné. La technologie sert trop souvent à habiller une présentation, mais ce n’est pas forcément la panacée, il ne faut l’utiliser que si elle apporte de la valeur ajoutée à un projet. Nous le faisons régulièrement par exemple dans le domaine de la reconnaissance tactile. » 

Sans doute faut-il bien choisir, au-delà de l’expérience, le contenu : en matière de VR notamment, beaucoup de personnes ont déjà fait une expérience décevante, plus attentifs à la technologie qu’aux images proposées. Cet été, le Forum des Images présentait en avant-première Wild Immersion, un documentaire animalier produit en VR, qui se veut la première réserve virtuelle au monde. Ici, le spectateur apprécie la proximité avec la nature : la technologie lui donne l’impression, non pas qu’il va à la rencontre des animaux comme dans un zoo, mais que les animaux eux-mêmes se déplacent vers lui. Les technologies les plus récentes ne sont pas toujours les plus pertinentes, comme le souligne Vincent Quenor à propos de la visite présentée à la Conciergerie, à Paris. « Grâce à la réalité augmentée, constate-t-il, un simple iPad permet au visiteur de découvrir sur son écran les lieux tels qu’ils étaient au Moyen-Âge». Dans le registre environnemental, c’est avec un film tourné en 360°, à visionner à l’aide d’un masque de type Oculus, que WWF a décidé de sensibiliser le public sur son action en immergeant le spectateur au milieu d’une équipe de scientifiques en Nouvelle-Calédonie. Comme quoi, on peut être efficace sans tomber dans l’esbroufe. 

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.