Podcast
Les Couilles sur la table, c’est elle. Un jeudi sur deux, Victoire Tuaillon reçoit des voix instruites pour parler des masculinités. Chaque épisode de ce podcast produit par Binge Audio est une dissection minutieuse des constructions sociales sur le genre.

Ne lui dites pas qu’elle est surdouée. Avec humilité, Victoire Tuaillon vous répondra qu’elle n’a aucun mérite, que tout est dû au déterminisme sociologique. Cette journaliste de 29 ans a été pétrie des théories de Bourdieu, enseignées en SES au lycée Grandmont à Tours, avant le bac mention très bien et une entrée royale à Sciences Po. « Ma culture familiale était la même que la culture scolaire. Mêmes codes, même langage… », explique-t-elle. Fille d’un médecin et d’une guide touristique, issue d’une grande fratrie, Victoire Tuaillon a, dès son plus jeune âge, été encouragée à critiquer, argumenter et contester l’autorité. Aujourd'hui, son podcast Les Couilles sur la table, enregistre 550 000 écoutes par mois.

Chez les bonnes soeurs

Le succès a été immédiat, surtout chez les moins de 35 ans. Après 45 épisodes et quelques copines féministes, elle lance un financement participatif pour écrire un livre. Les Couilles sur la table seront bientôt pressées dans les rotatives !

Sa vivacité d’esprit se mesure à son débit rapide et à sa fine capacité d’analyse. À Paris, assise à même le sol, dans la cour ensoleillée de la Villa Binge où elle gare son vélo, elle raconte son enfance, de ses 5 à 10 ans, chez les bonnes sœurs : « C’était une pension avec des méthodes pédagogiques avancées où chaque élève allait à son rythme. On pouvait, par exemple, apprendre le poème que l’on voulait. C’était un peu inspiré des méthodes Montessori mais à la sauce catholique. » Cette indépendance très tôt acquise et la liberté d’explorer les sujets qui l’intéressent ne l’ont pas quittée.

À 16 ans, sur les conseils de sa grande sœur, elle lit le manifeste féministe King Kong Théorie de Virginie Despentes. Une claque. Quatre ans plus tard, elle part étudier la photographie et l’écriture de fiction à l’université de Chapel Hill, en Caroline du Nord. « J'étais en colocation avec cinq filles dans une grande maison peinte en turquoise. Le village où je vivais, Carrboro, était un repère de hippies », raconte-t-elle. Outre-Atlantique, le féminisme « infuse » partout. Cette année-là, elle s'abonne à Ms., le magazine de Gloria Steinem.

Journalopes

De retour en France, elle effectue un apprentissage à la télévision avec l’école de journalisme de Sciences Po. À France 2, elle réalise des reportages pour les JT : « Objectivement, j'avais des difficultés. J'avais du mal à écrire les commentaires comme il fallait. » À 24 ans, elle plaque Paris pour la campagne andalouse et vit dans une communauté autogérée, puis devient serveuse dans une auberge et professeur d’histoire-géo dans le Berry. En 2015, décidée à trouver sa voie dans le journalisme, elle rentre à Paris. Embauchée par France 5, elle lit des centaines de romans pour La Grande Librairie. Un emploi épanouissant : « J’ai énormément appris auprès du rédacteur en chef, Benjamin François, et du présentateur, François Busnel. Ma façon d'interviewer est directement inspirée d’eux ». Elle fait ensuite le choix de devenir pigiste et intègre le collectif « Les Journalopes » qui l'appuie dans son projet de podcast sur les masculinités, « un sujet à la fois évident et difficile à attraper ». Victoire Tuaillon se fait d’abord remarquer avec Et là c’est le drame, reportage de neuf minutes réalisé pour Arte Radio, sur les voix de journalistes télé, au ton artificiellement grave. « C’était drôle, ça décrivait exactement ce qu’on ne voulait pas faire, relate David Carzon, directeur de la rédaction de Binge Audio. On lui a confié un premier projet, La Bonne graine, des portraits d’étudiants. » C'est Julien Cernobori, derrière le podcast Superhéros, qui montre à Victoire les rouages du métier. Quelques mois plus tard, alors qu’elle fête ses 28 ans à Marseille, elle reçoit un texto de Julien : « C’est bon, on a accepté Les Couilles sur la table. Bravo, on démarre la semaine pro. » L'anthropologue Mélanie Gourarier est la première invitée. Le ton est donné : « Il n’y a pas de crise de la masculinité... ». La baseline du podcast, dérivée de la célèbre phrase sur la femme de Simone de Beauvoir, est tout un programme : « Parce qu’on ne naît pas homme, on le devient ».

Parcours : 

25 août 1989. Naissance à Paris.

2012. Diplômée de l'École de journalisme de Sciences Po.

2010-2013. Journaliste pour les JT de France 2.

2015-2017. Journaliste pour La Grande Librairie (France 5).

Janvier 2017. Arrivée à Binge Audio.

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