Portrait
Le très discret président du directoire du groupe Sipa-Ouest France est un ingénieur et banquier mutualiste qui a cru au digital alors qu'il était encore balbutiant. Portrait d'un homme qui préfère la réalité des chiffres aux postures.

Lorsqu’on le rencontre dans les bureaux parisiens de Ouest France, à une poignée de minutes à pied de l’Élysée, Louis Echelard, s’empresse de souligner l’importance « d’être au plus près des lieux de l’actualité et du pouvoir et non loin des députés pour un journal qui couvre trois régions et treize départements ». On scrute le visage de granit de cet homme dont la présence médiatique est inversement proportionnelle à la puissance de son média, Ouest France, premier quotidien français depuis 45 ans avec 610 089 ex. en diffusion France payée dont 500 000 abonnés en juillet dernier. Le journal compte 53 éditions locales, emploie 550 journalistes et 2 400 correspondants et se place en tête des sites d’actualité en France pour le deuxième mois consécutif avec plus de 140 millions de visites en août (+3 % versus juillet 2020).

Charte de valeur

Une belle revanche pour un titre qui a tardé à prendre son virage numérique mais compte aujourd’hui 125 000 abonnés numériques (+31 % en un an). « Nous avons prouvé que l'on peut faire cohabiter le numérique et le papier et les rendre complémentaires sans que cela ne se traduise par une détérioration de l'économie du papier », dit-il. Son œil brille dès qu'il explique sa stratégie et ses valeurs, alors qu'il fait face au premier numéro affiché sous verre de Ouest France daté du 7 août 1944, né des cendres de L’Ouest-Éclair, interdit pour faits de collaboration. « Notre première raison d’être, c’est d’informer et de relier les citoyens, leur rendre service et les distraire. Notre deuxième raison d’être est liée à notre statut d’association de loi 1901, actée en 1990. Pas de dividendes à verser à nos actionnaires. La valeur que nous créons est capitalisée pour sécuriser l’entreprise. Ce statut protège notre indépendance et nous tient éloignés d’intérêts d’affaires. Nous sommes guidés par une charte de valeur, que connaissent tous nos journalistes, fondée sur des principes de démocratie humaniste. » Co-signataire de la lettre de soutien à Charlie Hebdo en faveur de la liberté d'expression, Ouest France a quatre mantras, rappelle-t-il : « dire sans nuire, montrer dans choquer, dénoncer sans condamner et témoigner sans agresser. »

Le journal a renoncé à la hausse de 10 centimes prévue en 2020 avant la crise du Covid. « Notre positionnement populaire implique qu'on ait une politique de prix la plus basse possible pour éviter de désolvabiliser ceux qui n'auraient plus les moyens de nous suivre, justifie Louis Echelard. On est presque dans l’économie sociale, comme le Guardian en Angleterre. Nous promouvons le collectif. » Après de multiples initiatives pendant le confinement (magazine et accès gratuit au site, publication d'attestations, création de plateformes d'entraide, place accrue donnée au lectorat), il compte développer le lien crucial avec les lecteurs à travers des rencontres ou des évenements pour les abonnés.

Vertus du collectif

À rebours de la surexposition médiatique, il fuit les portraits de lui et les confidences : « Avant de parler de soi, il faut des résultats » martèle-t-il le visage fermé. Il croit aux vertus du collectif et se méfie des égos. Derrière lui sont affichés les portraits de ses prédécesseurs à la tête de Ouest France. C'est l'un d'eux, François-Régis Hutin, décédé en 2017, qui l'a choisi pour lui succéder. Le nouveau patron ne vient pas des médias, mais de la banque, de l'économie sociale mutualiste et du multimédia. Il a été notamment directeur général adjoint en charge des nouvelles technologies au Crédit mutuel de Bretagne, où il passé l'essentiel de sa carrière. « Par son parcours et son attachement à l'exigence de la qualité de l'exécution, il est l'homme de la situation pour assurer la transformation et les opportunités de développement digital de notre groupe », explique Philippe Toulemonde, directeur général délégué.

C'est pendant ses études d'ingénieur puis de gestion qu'un de ses professeurs, polytechnicien, sentant sa soif de savoirs, l'initie à ce qui ne sont encore que les réseaux, ancêtre du numérique. Depuis, ses équipes ont créé la première banque en ligne en 1991 avec achat et vente d’actions avant qu'il ne crée un réseau de vente d’assurances en ligne. François-Régis Hutin, Jean Boissonnat, Jacques Duquesne sont alors des partenaires médias avec lesquels il échange sur l’évolution du management. Il s'impose comme le parfait successeur, sa pudeur jouant aussi en sa faveur. Ce père de trois enfants, grand-père de neuf petits-enfants concède vivre entre Paris, Rennes et Landivisiau, près de Roscoff. Il a hérité de ses parents, artisans commerçants dans la décoration, une passion pour l'architecture. Mais il se ravit surtout d'emmener sa tribu découvrir chaque année à l'étranger la réalité d'autres cultures. L'occasion de déployer ses antennes. Toujours plus loin. 

Parcours



1974 Contrôleur de gestion au Crédit Mutuel de Bretagne (CMB)

2002 Directeur général de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel

2006 Directeur général de la société civile Sipa, actionnaire de Ouest France, Journaux de Loire, Publihebdos, Sofiouest

2016 Nommé président du directoire du groupe Sipa-Ouest France et directeur de la publication de Ouest France

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