Internet
Jean-Pierre Remy, PDG de Solocal Group, dévoile les grandes lignes de son plan stratégique pour faire de son entreprise une pépite du digital alors même que son groupe lance une augmentation de capital de 400 millions d'euros, première étape du plan de restructuration de la dette validé par les actionnaires en décembre dernier. Sa méthode: faire alliance avec les Gafa.

Peut-on dire que Solocal Group est sauvé après l’acceptation de son plan de désendettement en décembre?

Jean-Pierre Remy. Oui, l’entreprise est dans de très favorables conditions pour poursuivre son développement. La structure financière est désormais solide. La dette est passée de 1,2 milliard d'euros à 400 millions, ce qui représente 18 mois d’Ebitda. L’entreprise a effectué sa transformation numérique, avec plus de 80% de l’activité réalisée sur internet en 2017. Les métiers, compétences et collaborateurs se sont transformés. Personne ne travaille plus exclusivement sur l’activité papier. Et Solocal a construit des partenariats uniques avec les grandes plateformes, comme Google, Facebook, Apple et Microsoft. Nous avons l’organisation qui nous permet de soutenir notre croissance internet.

Le chiffre d’affaire du groupe  en 2016 est un recul de 7%, à 812 millions d’euros, et le bénéfice net en hausse de 84%, à 49 millions. Comment expliquez-vous ces résultats?

J.-P.R. Nous avons vu une très forte accélération de notre performance financière au quatrième trimestre. Notre rentabilité est en hausse de 9% sur ce trimestre, avec une marge de 28% en termes d’ebitda. Le CA Internet progresse de 1% en 2016 mais de 5% au quatrième trimestre. On attend 3 à 5% de progression en 2017 et de 9% en 2018. Nous avions déjà atteint à la fin de l’été une croissance de nos ventes Internet de cet ordre mais le bad buzz autour du plan de désendettement l’a fait redescendre à 5%. En CA global, l’évolution est à -2% sur le quatrième trimestre, ce qui montre que la forte décroissance du papier parvient à être compensée. On espère revenir vers une légère croissance positive. Mais la priorité est d’aller vers une croissance de 10% du chiffre d’affaires Internet. Avec 649 millions d’euros sur Internet, nous sommes le deuxième ou troisième acteur sur le marché français, derrière Google et au niveau de Facebook.

Dans votre plan «Conquérir 2018», y-a-t-il l’abandon de l’annuaire papier?

J.-P.R. Non, le papier représente 600 à 700 millions de consultations par an et 500 millions de contacts pour les entreprises. Même si la baisse se poursuit, c’est un des médias les plus consultés dans les régions. Et il continue de générer beaucoup de marge, avec 20 à 25% d’Ebitda. Les Pages jaunes restent fortes dans tous les départements. Nous sommes en train de travailler sur une évolution éditoriale pour en faire la vitrine papier de l’offre numérique. Quant aux Pages blanches, elles seront abandonnées d’ici un ou deux ans. Dix-sept départements, notamment Paris, ont déjà été fermés. Ce sera suivi par seize autres cette année.

Où s’arrête la palette de vos activités en tant qu’opérateur multilocal?

J.-P.R. Notre métier, c’est d’être le leader de la communication locale digitale auprès des TPE-PME et des grands groupes à réseau, dont il s’agit d’augmenter la visibilité et le nombre de contacts sur les points de vente. Nous créons des contenus numériques à travers quelque 350 000 sites web d’entreprise, dont la moitié à l’étranger. Ensuite, afin d’assurer une présence partout, nous multidiffusons ces contenus sur nos plateformes – Pages jaunes, Mappy, Ooreka, A vendre à louer – et celles de nos partenaires – Google, Apple, Facebook, Microsoft-Bing. Enfin, nous avons une plateforme programmatique pour améliorer la performance de la campagne sur le display, les mots clés de Google et Bing et sur Facebook via des tracts digitaux qui remplacent dans le fil ce que l’on trouve dans sa boîte aux lettres. L’efficacité du ciblage est bien meilleure qu’avec un prospectus papier.

Quels sont les nouveaux produits ou services de votre plan «Conquérir 2018»?

J.-P.R. Ce sera plutôt «Conquérir 2020». Nous allons nous développer dans les trois grands métiers – les contenus, la mutidiffusion et le programmatique – en France et en Europe. Notre objectif est d’améliorer les technologies de ces offres et de les déployer auprès d’un maximum de clients et de marchés. Il s’agit aussi de poursuivre le développement de nos audiences en propre par les contenus et l’expérience utilisateur. Le groupe est numéro 5 en France avec Pages jaunes, Mappy et Ooreka. Sa croissance est de 9% par an pour les audiences et de 14% pour les contacts générés pour nos clients. Cela nous procure une connaissance directe de la clientèle et de la data.

Comment renforcer l’expérience utilisateur?

J.-P.R. Nous voulons donner davantage d’informations pour choisir un professionnel. De plus en plus, Pages jaunes va offrir une expérience différente suivant le métier. Par exemple, le site va faire, en 2017, près de 2 millions de rendez-vous avec les médecins en ligne. Nous avons près de 4 millions d’avis qui permettent de comparer comme quand on choisit un hôtel. Pour Mappy, nous optimisons de plus en en plus le temps de trajet suivant les modes de transport. Nous allons essayer d’en faire l’assistant de votre itinéraire pour que vous puissiez faire vos courses sur votre ligne de métro… Le professionnel pourra proposer ses services sur cet itinéraire.

Etes-vous des concurrents, des alliés ou des amis des Gafa? 

J.-P.R. Nous sommes plus partenaires que concurrents. Des alliés et non pas des amis, dans une relation de codépendance : Google ou Facebook ne payent rien pour les contenus de Pages Jaunes mais nous ne payons rien non plus pour l’accès à leur trafic.  Google enrichit ainsi de plus en plus ses contenus et la moitié du trafic qui arrive dans Pages Jaunes vient du moteur de recherche. Par ailleurs, nous sommes partenaires pour fournir du contenu sous forme d’affiliation - on charge du contenu dans Google my business, l’iphone ou Bing – et dans la relation avec les entreprises. Google ou Facebook ont des forces commerciales pour gérer en direct les 200 plus grandes marques mondiales. Ils n’ont besoin de personne pour cela. Après, ils sont obligés de passer par des partenaires. Ils savent très bien acquérir un client et ils ont beaucoup de mal à le garder. Le taux de non renouvellement des campagnes est très important sur adwords. Ils sont dans une logique test marketing, pas de développement de leur relation client. Nous avons 5000 personnes. C’est notre métier d’accompagner le client.  Mon CRM a la connaissance de nos 500 000 clients. On est un des principaux distributeurs de Google en France.

C’est un métier d’agence web?

J.-P.R. Complètement. Nous utilisons au maximum les technologies de Google ou de Facebook et nous mettons au-dessus une couche à nous.  C’est le début de l’intelligence artificielle. Une personne, via un moteur technologique, peut gérer 10 000 campagnes et optimiser les adwords et le ciblage sur Facebook.

Qu'apportez-vous par rapport à Google ?

J.-P.R. Nous voulons renforcer la présence de nos clients dans les grandes plateformes partenaires qui viennent travailler avec nous car nous avons une base de contenus unique, quasiment exhaustive sur les entreprises françaises avec 4 millions de fiches détaillées.  De plus, cette base concerne tous les métiers. Si vous avez une rage de dents sur votre lieu de vacances, si vous comptez sur Google, ça peut vous prendre du temps. Un moteur de recherche prend en compte votre niveau de popularité accumulé au cours du temps. Nous, nous avons 200 personnes qui mettent à jour en permanence les contenus. Sur l’ensemble de nos bases, c’est 100 000 mises à jour par nuit, que ce soit des enrichissements de contenus ou des fermetures d’entreprises. On estime à 1 ou 2% dans nos contenus la part d’inexactitude contre 6 à 7% pour un moteur de recherche. 

N’y-a-t-il pas conflit d’intérêt quand on est à la fois agence web et médias, quand on travaille à la fois pour un tiers et pour soi-même?

J.-P.R. Nous avons une totale transparence. Le client, via le business center, sait à tout moment ce qu’il a dépensé, ce qui a été réparti et combien ça lui rapporte. Nous conseillons sur la manière de répartir le budget et sur ce que cela doit générer comme nombre de vus et de contacts auprès d'une cible. Nous sommes passés d’une situation dans laquelle nous étions régie publicitaire à une autre, où nous sommes agence web spécialiste de la communication locale. Notre savoir-faire, c’est de savoir comment utiliser au mieux Pages jaunes, Google, Mappy ou Facebook pour maximiser l’efficacité de la communication. On crée des contenus publicitaires facilement diffusables sur les grandes plateformes. Nous avons un capital confiance – nos avis bénéficient du label Afnor – et nous développons des outils technologiques qui viennent se plugger sur ces plateformes. Je n’ai jamais pensé en sept ans que nous allions concurrencer Google. Notre force est d’être en permanence en train de renouveler ce contenu au contact du client. Nous démultiplions la puissance de Google et Facebook. Via nos 2 000 commerciaux, ils parlent à 500 000 clients.

Y a-t-il, chez vos clients, une forme de patriotisme économique face à des Gafa qui ne payent pas leurs impôts en France?

J.-P.R. C’est présent chez certains. Mais ils ont surtout très peur d’être dépendants d’un duopole composé de Google et Facebook. On peut les aider. Le poids de Google dans notre trafic total est de l’ordre d’un tiers, ce qui est raisonnable. Une grosse part de notre trafic vient de nos plateformes, de Bing, Apple ou Yahoo. Nous diversifions ainsi nos sources de trafic et de contacts. La grande crainte de nos clients est d’être monodépendants d’un duopole, qui peut demain changer d’algorithme, de ciblage et avoir un impact sur leur business. Mais quand vous comprenez ces évolutions technologiques, vous êtes capables de vous adapter très rapidement et de protéger vos clients.

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