LES 15 SPÉCIAL PARIS 2024

Micaela Vitor est scientifique et cherche les vaccins de demain ; Théo Curin est para-athlète et se lance des défis sportifs extrêmes pour lever des fonds au service de causes. Ils ont en commun de chercher à faire avancer les choses dans le bon sens. Josep Catlla, responsable des affaires corporate de Sanofi, a échangé avec eux à l'approche des Jeux.

Micaela Vitor est docteure en génie chimique et mécanique. Née au Brésil, elle a rejoint les équipes Recherche et Développement de Sanofi en 2017, et travaille aujourd’hui dans le développement clinique de vaccins à base d’ARN messager. Athlète nageur, Théo Curin a participé à de nombreuses compétitions de natation, notamment aux Jeux paralympiques de Rio en 2016. Il se lance aujourd’hui ses propres défis extrêmes, comme la traversée du lac Titicaca. Ils sont aujourd’hui réunis pour parler de leur quotidien, de leurs parcours et de leurs ambitions, finalement pas si éloignés que ça.

Le matin, dans la salle de bain, face au miroir, à quoi pensez-vous ?

Micaela Vitor. Je pense à la journée qui m’attend : les réunions, les discussions que l’on a en équipe pour résoudre des problématiques scientifiques. Chaque jour est un challenge. Certaines journées peuvent être décisives pour un projet.

Théo Curin. Je me demande si ma crème de jour va faire des miracles (rires). Je suis encore très jeune mais ma routine quotidienne change. Avant, je me levais le plus tard possible. S'il fallait que je sois à 8 heures dans un taxi, je me levais à 7h30 et me préparais à toute vitesse, tac-tac-tac. Avec le temps, je préfère prendre un café, une douche, regarder les infos, lire un article. J'essaye de laisser les soucis et le stress sur le pas de la porte et de ne pas trop penser au boulot quand je suis chez moi.

Vous écoutez de la musique le matin ? Au Brésil, la musique fait partie de la vie plus qu’ailleurs !

M.V. C'est vrai, oui ! J'écoute de la musique populaire brésilienne. En ce moment, « Felicidade », de Seu Jorge, que j'aime bien.

T.C. J'écoute vraiment de tout, mes playlists sur mon portable n'ont aucun sens. Je peux écouter Sardou, ensuite Jul. Mais il y a une musique que j'adore qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux, c'est « Beautiful Day ». C'est de l'électro-chill avec une voix d’enfant qui chante : « Thank you for joy, thank you for pain, thank you for rain, thank you for sunshine. » [Merci pour la joie, merci pour la douleur, merci pour la pluie, merci pour le soleil] Tout est dit. Il faut remercier tout ce qui nous arrive, autant les moments compliqués que les moments de victoire. Tu écoutes ça dans ta voiture, il pleut, tu apprends une mauvaise nouvelle... Pas grave, Beautiful Day !

Au quotidien, comment abordez-vous le travail ? Qu'est-ce qui vous motive ? Dans la science, on utilise des compétences très diverses : la rigueur, la créativité, pour un travail qui pourra potentiellement aboutir à un échec dix ans plus tard, ou aussi à un nouveau médicament.

M.V. J’ai un métier passion. Ce qui me motive, c'est d’apporter ma pierre à l’édifice, d’améliorer la vie des patients. Pas faire de la science pour de la science, mais pour apporter des solutions aux patients.

T.C. C'est là qu’on commence à voir des similitudes entre nos parcours. Maintenant, quand je me lance un défi, ce n’est plus seulement pour l’accomplissement sportif, c’est pour mettre une cause en lumière. En 2021, pour la traversée du lac Titicaca, c’était l'écologie et la préservation du lac. En 2022, en Argentine sur la course Santa Fé-Coronda, c'était pour la visibilité du handicap sur une course qui est normalement réservée aux personnes valides. Et pour mon prochain défi en Afrique du Sud, on a récolté des fonds pour construire un terrain multi-sport pour la jeunesse sud-africaine qui vit dans les bidonvilles. D’avoir ces causes nous aide aussi à surmonter nos propres difficultés dans la préparation sportive.

Vous avez d’ailleurs tous les deux des métiers à forte contribution personnelle. Mais il y a tout un travail d’équipe derrière…

M.V. L’équipe et la diversité des profils, oui. Si tout le monde est pareil, le résultat est identique. Dans mon équipe, il y a des Français, mais aussi une Italienne, une Vietnamienne, un Indien et je suis moi-même Brésilienne. La diversité est importante dans la recherche, chaque personne a un point de vue différent, une solution différente. On absorbe aussi mieux la pression en groupe.

T.C. Micaela a tout dit. C'est grâce aux connaissances et aux points forts de chacun qu'on réussit. Un seul être humain n'est pas capable de répondre à tout. Le collectif permet aussi de compenser les difficultés de chacun pour atteindre notre but.

Vous parlez tous les deux de pression : comment la gérez-vous ?

M.V. Je pratique la méditation et je reviens toujours à ma motivation de départ : les patients. La famille, les amis, ça aide aussi, c’est un support très important. Je suis loin du Brésil, loin de ma famille. Mais mes amis ici deviennent la famille.

T.C. J'ai la chance de ne pas avoir ma famille au Brésil… La méditation, c'est un des outils qu'on utilise le plus quand on fait face à la pression. On se recentre sur l'essentiel, les gens qu'on aime. Quand je fais face à beaucoup de stress, je me tourne vers ma famille, qui est en Lorraine, à une heure et demie en train de Paris. C'est plus rapide que les douze heures pour le Brésil !

Et le doute, l'échec, comment on gère cela ? C’est une partie de votre quotidien : comment ne pas baisser les bras ?

M.V. J'essaye de faire preuve de résilience. Dans la science, on sait que les projets ne vont pas toujours aboutir. C’est une donnée importante à prendre en compte.

Donc tu mets de la distance ?

M.V. Parfois des projets se complexifient voire s’arrêtent, et là il faut prendre un peu de distance. C’est le moment pour réfléchir sur ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné pour qu’on puisse améliorer constamment nos travaux.

T.C. Les échecs font partie de la vie, c’est humain. Lors de conférences, on n’en parle quasiment pas et c’est dommage. Je n’ai pas encore tout à fait appris à digérer correctement l’échec, même si, comme Micaela, j’essaye de relativiser, de comprendre la raison pour réussir la fois d’après. C'est aussi pour ça que je ne fais pas qu'une seule chose dans la vie. Mes parents m'ont toujours dit de ne jamais mettre tous les œufs dans le même panier.

Alors qu’on approche des Jeux, on parle souvent de donner le meilleur de soi-même, de se dépasser… Quelles sont vos forces ?

M.V. Je suis plutôt optimiste. Je vois toujours le verre à moitié plein. Et la détermination aussi.

T.C. On me pose souvent cette question-là et je réponds toujours : mon optimisme et ma détermination. On me reproche même d'être trop optimiste. C’est blessant. C'est quand même triste qu'on dise à des gens qu’ils sont trop optimistes. Parfois, quand je parle du handicap, on me répond : « Théo, tu ne peux pas dire que le handicap, c'est cool. » Je n'ai jamais dit ça. Évidemment qu'il y a des difficultés quand on est handicapé. Mais il y a aussi des opportunités. Et comme Micaela, je préfère fixer mon attention sur le positif et faire abstraction du reste. Soyons optimistes, bordel !

Et comment vous est venue l’idée de faire ce que vous faites aujourd’hui ?

M.V. J'ai grandi dans le médical. Mon père était médecin, ma mère infirmière, ma sœur dentiste. Ça parlait patients à la maison. Et pourquoi la France ? Le fils de notre voisin connaissait la France, la Normandie et mon école au Brésil organisait des échanges avec la France. J’ai pris des cours de français, je suis venue faire un stage et j’ai fini par rester y faire mon doctorat. J’ai ce lien avec la France depuis toute petite !

Théo, je lisais un jour que petit, tu avais la phobie de l’eau, et quelques années plus tard tu traversais le lac Titicaca à la nage !

T.C. C'est une sacrée histoire. En vacances, je détestais aller au bord de l'eau, ça me faisait vraiment peur. Puis j’ai eu la méningite à 6 ans. Quand est venu le temps de la rééducation après l’hospitalisation, je me suis tout de suite mis dans cette configuration de compétiteur, de me lancer des défis au quotidien. Au début, les défis sont faciles à trouver parce que c'est fermer sa braguette, se brosser les dents, boire un verre d'eau. À l'époque, mon Everest à moi, c'était l'eau. Ça a été un défi compliqué parce que ça restait quand même une phobie. Mais petit à petit, j’ai commencé à éprouver une espèce de liberté dans l'eau, c’était une sensation très forte. Je n'étais plus contraint par le matériel. Il n'y avait que dans l'eau que je pouvais ressentir ça et je me suis attaché à cet élément. J'étais loin d'imaginer que j'allais faire de la compétition et des défis dans cet élément.

Et quels seraient vos prochains défis ?

M.V. J’aimerais pouvoir continuer à aider les gens à mon échelle. Je pourrais monter ma propre entreprise de consultations et de support médical pour aider les gens dans des pays moins développés. Ou apporter mes connaissances en recherche et développement pour aider des petites entreprises locales dans les pays où il y a un fort besoin de soutien médical.

T.C. Pour moi, c’est l’aventure à venir en Afrique du Sud avec l’animateur télé Ismaël Khelifa. Nous allons réaliser un exploit sportif, 30 kilomètres à la nage et 100 kilomètres à vélo. Ce défi nous a permis de récolter des fonds pour la construction du terrain multi-sport pour les jeunes défavorisés sur place. Continuer, un pas après l'autre, à accomplir mes rêves et continuer à progresser parce que je suis encore novice dans plein de domaines. Par exemple, je n’ai jamais fait d'école de journalisme ni pris de cours de théâtre et pourtant j’ai aujourd’hui ma propre émission télé et je suis comédien… J’apprends en faisant. J’essaye d’utiliser cette notoriété naissante pour défendre des causes, comme on le fait ensemble avec le drapeau de la lutte contre les méningites. C'est fort.

M.V. Je me souviens que petite, mon père médecin voyait beaucoup de personnes touchées par la méningite. C’était la plus grande crainte de mes parents et même ma famille a été touchée. À l’époque, il n'y avait pas forcément de vaccins pour tout le monde et quand il y en avait, les gens ne se faisaient pas vacciner, alors que c’est important !

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.