L'établissement de l'écoscore pour les vêtements représente un défi complexe, mêlant enjeux politiques et réglementaires. La méthode de calcul suscite des discussions intenses, tandis que les retards persistent dans sa mise en œuvre.

Initiative du gouvernement français, l’affichage de l’empreinte environnementale des vêtements franchit une nouvelle étape cette semaine avec le lancement d’un simulateur, mais a pris du retard, la méthode de calcul et le calendrier d’application faisant l’objet d’intenses discussions.

En France, 3,3 milliards de vêtements, chaussures et pièces de linge de maison ont été mis sur le marché en 2022, contre 2,8 en 2021. Professionnels, ONG et société civile plaident pour une régulation du secteur, considéré comme l’un des plus polluants. Prévu par la Loi Climat et Résilience (2021), l’affichage environnemental pour les textiles doit permettre au consommateur de mesurer l’impact de son acte d’achat.

Il se matérialisera par « un score en points » avait précisé Elliott Mage de Fairly Made, lors d’un événement à Paris fin mars : « Plus le score est élevé, plus l’impact est fort ». Mais comment le calculer ? « D’un point de vue purement carbone, un pull en polyester ou en acrylique fabriqué en Chine est beaucoup moins impactant qu’un pull en laine produit en France », avait cité en exemple Elliott Mage.

Dans cette apparente contradiction se cache toute la complexité de la méthode de calcul. Faut-il privilégier le polyester, léger et durable, mais qui libère des microplastiques ou des matières nobles produites en France, mais coûteuses en eau et en électricité ? Faut-il voir au-delà du vêtement unitaire et intégrer les volumes produits par chaque marque, vu l’essor de la « fast fashion » ?

Tous ces critères doivent être nuancés, une « pondération qui relève plutôt de décisions sociétales, voire politiques », avait souligné un représentant de l’Ademe lors d’un « webinaire » début mars présentant la méthode retenue. Aussi le compromis a-t-il été délicat à trouver entre acteurs du luxe, entreprises made in France, prêt-à-porter fabriquant en Asie et fast fashion, dont les intérêts divergent.

« Souci de cohérence » avec l’Europe

Mais cette méthode de calcul « est aujourd’hui finalisée » et va être rendue accessible aux marques qui voudront la tester via un simulateur en ligne, a dévoilé vendredi le cabinet du ministère de la Transition écologique à l’AFP. Elle retient notamment la consommation d’eau, la durabilité physique des textiles, l’utilisation de pesticides et de produits chimiques, les rejets de microplastiques et l’impact de la mode jetable (volumes et rotation des collections).

Cet écoscore a pris du retard : il devait être obligatoire en 2024, mais sera in fine « volontaire » cette année. Dans un premier temps, les informations peuvent figurer sur l’étiquette ou de manière dématérialisée sur un QR code ou en ligne. Il avait ensuite été repoussé au 1er semestre 2025, mais « ce n’est pas l’enjeu du moment », reconnaît le cabinet de Christophe Béchu auprès de l’AFP.

Parmi les raisons avancées par le ministère pour expliquer ce délai, « un souci de cohérence avec le dispositif européen ». En effet, l’Europe travaille en parallèle sur un affichage environnemental harmonisé pour les textiles dans le but d’aider les entreprises des pays membres à le calculer « sur la base d’informations fiables, vérifiables et comparables », explique la Commission sur son site.

Elle a choisi le PEF (Product Environmental Footprint), une méthode sur laquelle « se base » la proposition française qui « l’enrichit », promet le cabinet de Christophe Béchu. De nombreux acteurs de l’industrie textile estiment, eux, qu’il n’y a pas « encore de convergence effective » entre les méthodes françaises et européennes, notamment parce que les bases de données utilisées ne sont pas les mêmes, dit à l’AFP Marie Demaeght, de l’Alliance du lin et du chanvre européens.

D’autres soufflent que ce processus ralentit les effets de la proposition de loi (PPL) visant à freiner la « fast fashion » adoptée en mars par les députés : tant que l’affichage environnemental n’est pas obligatoire, il ne peut pas déclencher des malus financiers. « En réalité, les calendriers sont assez proches car la PPL fast-fashion doit encore être examinée au Sénat, puis il faudra prendre les décrets d’application », explique le cabinet du ministre.

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