Télécoms
Alain Weill, le PDG de SFR, explique la nouvelle stratégie de commercialisation de ses médias. Il prépare pour cet été le lancement de RMC Sport, avec la Champions League. Et affirme observer les premiers signes d’un retournement de tendances.

Contrairement aux autres opérateurs, SFR n’a pas enregistré de ventes en hausse en 2017. Elles ont même reculé de 1,6 %. La faute à qui ?

Tout le monde sait que 2017 a été une année difficile pour SFR, une année consacrée essentiellement à la réorganisation de l'entreprise. Depuis novembre, nous avons entamé une phase de reconquête. Au dernier trimestre 2017, les premiers signes de cette reconquête sont apparus et ils seront sans doute confirmés au premier trimestre 2018. Malgré ses difficultés, SFR est une entreprise solide. Nous avons une marge d’exploitation de près de 35 %, nous dégageons un cash-flow positif de 1,9 milliard d’euros. En 2017, nos investissements se sont élevés à 2,4 milliards d'euros, soit 22% de de notre chiffre d'affaires.

 

Tout l’effort n’a-t-il pas porté sur l’amélioration de la marge au détriment des ventes ?

Ce n'est pas le cas. L’entreprise a été déstabilisée dans des services comme l’assistance technique rapide aux clients : on a perdu beaucoup de temps dans le délai d’intervention, on n’a pas été très performant dans le raccordement, les call centers ont pu être déstabilisés. L’enjeu de 2018, c’est de retrouver le chemin de la conquête. Tous les clignotants passent peu à peu au vert et les premiers indicateurs de 2018 sont encourageants: le chiffre d’affaires, le recrutement des abonnés, la baisse du churn…. C’est trop tôt pour dire si la partie est gagnée, mais je suis très confiant. On peut imaginer un retour à la croissance en 2019. Nous pouvons compter sur l’associé historique de Patrick Drahi, Armando Pereira, dont l'expérience dans les télécoms est unique.

 

La crise de la relation clients est-elle derrière vous ?

Le gros de la crise est derrière nous. Le métier de la relation clients est constitué d'un ensemble de process qui contribue à la performance d’un opérateur télécom. Ces derniers mois, nous avons travaillé à la simplification et à l'efficacité de ces process. Les premiers signes d'émélioration sont déjà perceptibles. SFR est leader sur le très haut débit fixe et mobile.  Nous déployons la fibre partout en France et, avec 11 millions de prises fibre, SFR dispose du premier réseau fibre en France. Fort de ce réseau, nous avons l’obsession du client. Nous voulons être au top niveau de la relation clients.



Vous proposez de nouvelles offres fixes et mobiles pour mieux valoriser vos contenus, notamment RMC Sport, cet été, à la place de SFR Sport. Quelles seront ces offres ?

Nous avons présenté de nouveaux produits qui reposent sur des offres simplifiées et la valorisation de nos contenus. Les premiers retours sont très satisfaisants. La priorité est donnée aux contenus auxquels on donnera accès à des prix très attractifs [par exemple, 4 euros par mois pour les clients SFR abonnés à Ciné-Séries et 10 euros pour les non clients].  Nous lançons aussi une offre de télévision ambitieuse, RMC Sport, réceptacle de la Champions League. Avec cinq canaux, elle regroupera d'ici l'été tous les programmes sportifs édités par le groupe, autour de ses chaînes et radios mais aussi d'une plateforme de distribution dont une de news, leurs replays et tous les sports dont le droits ont été acquis. RMC Sport [5 euros mensuels pour les abonnés SFR] c'est 200 journalistes et consultants sportifs et plus de 250 événements sportifs produits chaque année. En outre, nous allons faire un très gros effort sur l’OTT. Les clients pourront  s’abonner à nos contenus directement sur internet via Apple TV, Chromecast... Nous renforcerons aussi notre offre satellite et notre appli SFR TV sur mobile.

 

Dans les médias, êtes-vous dans une logique de droits exclusifs ou de partage des droits ?

Nous voulons continuer à développer notre stratégie médias avec d’un côté le pôle télécoms avec SFR, de l’autre le pôle médias : nous avons NextRadioTV, qui édite des chaînes basiques, et une nouvelle division de Pay TV, que l’on pourrait appeler NextPremiumTV, dont RMC Sport sera la vitrine mais où l’on retrouvera aussi My Cuisine, les chaînes payantes Universal ou Discovery. NextPremiumTV aura vocation à distribuer ces chaînes chez les autres opérateurs s’ils le souhaitent. Nous ne croyons pas à l’exclusivité. Nous avons toujours dit que nous étions pour l'ouverture.



Demandez-vous la rémunération des chaînes gratuites par les opérateurs ?

L’enjeu n’est pas la rémunération des chaînes gratuites mais celle des services associés. Aujourd’hui, nous travaillons beaucoup à la création de nouveaux services associés, en étant sollicités par Google Home ou Apple pour voir ce que nous pouvons leur fournir comme service d’informations. Tout cela nous fait réfléchir. À partir du moment où il y a des investissements, il assez logique que nous demandions une rémunération. Nos contrats de distribution courent jusqu’à la fin de l’année. On a donc encore un peu de temps. Mais personne ne conteste l’idée qu’il est légitime de rémunérer des services nouveaux. Il n’y aura pas que le replay, à 20 ou 30 jours : il y aura aussi le pre-play, pour la diffusion en avant-première, le remontage de programmes en version courte ou allongée, etc.



Le développement de SFR Presse est-il compromis par la nouvelle comptabilisation de la TVA dans votre bouquet ?

Nous avons investi dans SFR Presse car nous sommes convaincus que distribuer la presse écrite digitalement sur un mobile est une très bonne idée. La réforme de la fiscalité complique un peu les choses mais nous ne renoncerons par à SFR Presse qui, avec 80 titres et 180 000 téléchargements par jour, rencontre un très grand succès. Aux États-Unis, une plateforme similaire vient d’être rachetée par Apple. Nous souhaitons aujourd’hui monétiser tous nos contenus. Nous allons continuer à développer SFR Presse et nous proposerons ce service en option dans nos nouvelles offres. L’ensemble de notre offre presse sera proposée pour un prix forfaitaire de 10 euros aux nouveaux abonnés. Rien ne change pour nos clients actuels.

 

Envisagez-vous toujours un rebranding de SFR en Altice ?

 

Nous n’envisageons pas d’abandonner la marque SFR. C’est vrai qu’il y a eu le projet de changer la marque de l’opérateur local par la marque Altice. Nous avons, pour l’instant, renoncé à ce projet, car en France, la priorité est la reconquête des clients. SFR est une marque à la notoriété de près de 100 %. Ce n’est pas le moment de changer de nom. Au moment où l'on va séparer les activités européennes et américaines, ce projet est moins d’actualité.



Quid de la relance de L’Express et de Libération en quotidiens digitaux ?

Nos groupes sont en train de devenir digital first. Nous voulons donner la priorité aux abonnements numériques. Il y a là un potentiel de croissance. Pour cela, nous voulons adapter l’organisation : une grande partie de l’équipe sera mobilisée sur la version digitale et une petite partie s’occupera de la version papier. Nous inversons totalement le modèle, à l’exemple de ce que fait le New York Times dont deux abonnés sur trois sont digitaux. Nous ne souhaitons pas l’arrêt du papier. La question est de savoir s’il y aura demain des clients pour acheter nos journaux, qu’ils soient uniquement digitaux ou mixtes, peu importe.

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