Medias
La directrice générale de CMI France, Claire Léost, dirige avec audace et sûreté les titres magazines du groupe. Mais cette femme puissante est aussi romancière et n'a aucune peine à se dire vulnérable.

Dans son bureau baigné par la lumière de deux baies vitrées, à Levallois-Perret, Claire Léost fait face à de sages piles de journaux. On y trouve de la presse CSP+ - avec Elle et ses déclinaisons, Le journal d'Inès (de la Fressange) - comme des titres plus populaires avec Télé 7 jours, Version Femina, Ici Paris ou France Dimanche. S'y est adjoint en novembre S, le magazine de Sophie Davant. Le premier numéro du bimestriel a dû être réimprimé : 160 000 exemplaires vendus. Claire Léost en espère 120 000 pour le second. Car l'audace paye. « Il y a beaucoup de prophéties auto-réalisatrices en matière de presse écrite en France alors qu'il y a de la place pour les projets originaux. On pense qu'il y a des opportunités à aller chercher. Nous allons lancer en mai Le magazine du Guide du Routard, un bimestriel qui permettra de faire découvrir aux lecteurs les coins méconnus de la France » annonce-t-elle. Elle vient aussi de lancer Elle Icône, collection de hors-séries dont le premier est dédié à Vanessa Paradis. Mais le papier n'exclut par le digital. L'emblématique Elle a lancé le premier paywall d'un titre féminin en novembre qui lui permet de recruter 1000 abonnés par mois dont 750 en digital. La rubrique testimoniale « C'est mon histoire » est ce qui suscite le plus d'abonnements. Claire Léost a aussi créé à la rentrée avec Stéphane Soumier (ex BFM Business) la chaîne d'info éco B Smart qui prévoit d'être rentable en 2024.

Dans l'efficacité

De quoi occuper l'autrice du Rêve brisé des working girls (Fayard). Car la jolie rousse, pudique et posée, ne s'en cache pas : elle est aussi romancière avec Le monde à nos pieds (JC Lattès, 2019). Sans pseudo. Celle qui dirige les 700 salariés de CMI France reconnaît son aversion pour le mensonge ou les demi-vérités : « Je manque de sens politique, lâche-t-elle. Sûrement parce que je suis dans l'efficacité entre la charge de la vie professionnelle et la vie personnelle ». Elle se félicite de l'implication de son mari, journaliste-pigiste, auprès de leurs enfants de 11 ans et 14 ans. « C'est le modèle de répartition des tâches avec lequel j'ai grandi. Mes parents, profs de math, le pratiquaient. » Seule de sa famille à travailler dans le privé, c'est un stage à l'Ambassade française de Bonn, à Sciences Po, qui l'a dissuadée de persévérer vers l'ENA. Elle a préféré HEC et la presse, qui fait le pont entre l'entreprenariat et l'implication sociétale qui l'inspire. 

Avec une détermination tranquille, elle a affronté les critiques envers le milliardaire Daniel Kretinsky qui a racheté les titres de Lagardère Active en 2019 et les lui a confiés. « La peur est le premier réflexe face à l'inconnu. Mais il y a l'épreuve des faits. Il investit : 3 millions pour B Smart, 3 pour le paywall de Elle. Je le vois lors du conseil d'administration trimestriel. On y présente les résultats, la stratégie et la transformation de l'entreprise. Mais il n'intervient pas dans les contenus des journaux. Il respecte les journalistes et leur métier. L'important, pour lui, est que nous donnions des informations journalistiques, fiables et sourcées. Il croit au rôle démocratique de la presse, rempart contre le totalitarisme et le populisme» Grâce à un positionnement plus sociétal et 50% de contenu hors mode et beauté, le magazine Elle a même obtenu son statut de presse d'information générale.

Autant de dossiers qu'elle aborde « en chef d'orchestre, qui entraîne et donne envie ». Claire Léost prône les valeurs du partage et de l'échange : « On ne fait pas avancer des journalistes en leur tapant dessus mais au contraire en leur permettant de se sentir en confiance. » Elle-même loue Bruno Lesouëf, ex-patron de Lagardère, décédé en 2018. Pas du genre à la bizuter comme ceux qui l'ont fait attendre deux heures en rendez-vous ou l'infantilisaient. « Je n'ai pas eu l'impression d'une lutte dans mon parcours mais d'un cheminement progressif, en gravissant les échelons un à un. J'ai eu le temps d'apprendre. » Elle parle aussi des moments forts partagés avec Olivier Royant, l'ancien patron de Paris Match lors des attentats de Nice ou de la mort de Johnny. Il est décédé le 31 décembre. On la sent touchée mais robuste. « Elle est très ancrée, portée par une grande confiance en elle. Les remarques qu'on peut lui faire ne la font jamais vaciller », souligne Jeanne Morosoff, son éditrice chez Lattès. « Je n'ai pas de problème avec la vulnérabilité. Je peux dire que je ne sais pas, même si ça peut désarçonner pour un leader », avoue Claire Léost. C'est du côté de la Bretagne, où se déroule son prochain roman qui paraîtra au printemps, qu'elle puise son ancrage. Du genre granitique.

Parcours

1994-1997. Sciences Po Paris.

1997-1999. HEC.

2001-2003. Consultante chez McKinsey & compagny.

2003-2006. Directrice déléguée chez Lagardère Active de Auto Moto, Onze Mondial et Parents.

2007-2013. Éditrice chez Lagardère Active de Télé 7 Jours, Première, Version Femina.

2013. Publie son premier livre Le rêve brisé des working girls chez Fayard.

2019. Premier roman Le Monde à nos pieds à Jean-Claude Lattès.

2014-2019. Directrice générale univers grand public chez Lagardère Active.

2019. Directrice générale de CMI France, qui a racheté les titres de Lagardère Active.

2021. Second roman prévu chez Jean-Claude Lattès.

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