Le groupe public France Télévisions redéploie son dispositif éditorial pour assurer son partenariat avec le Festival de Cannes. Sur fond de polémiques.

Pour son troisième Festival de Cannes en tant que partenaire, du 14 au 25 mai, France Télévisions se donne les moyens de monter encore en puissance, malgré un 7e art englué dans des accusations de violences sexuelles. « Le cinéma français est rattrapé par un MeToo qui démarre, a déclaré le 23 avril Manuel Alduy, directeur du cinéma de France Télévisions. En tant que cofinanceur, on respecte la présomption d’innocence mais on a pris le parti de soutenir la libération de la parole ». C’est ainsi que le groupe a préfinancé le prochain film de Judith Godrèche, à l’origine d’une plainte contre les cinéastes Jacques Doillon et Benoît Jacquot, qu’il s’interdit tout hommage à Gérard Depardieu, ou qu’il fait savoir aux producteurs qu’il suspendra la diffusion de tout film sur lequel portent des révélations.

« Première salle du cinéma français »

L’an dernier, la couverture cannoise était déjà jugée sans équivalent, avec 35 millions de Français touchés, contre 28 millions un an plus tôt. L’ouverture et la clôture du festival, à 19 h et 20 h 30, ont rassemblé respectivement 2,2 millions et 3,3 millions de téléspectateurs sur France 2. Cette année, la maîtresse de cérémonie sera Camille Cottin (Dix pour cent…), et le groupe déclinera plusieurs de ses émissions phares sur la Croisette. Outre 20 h 30 le dimanche avec Laurent Delahousse sur France 2, suivi de Beau Geste avec Pierre Lescure (reconduit l’an prochain), plusieurs talk-shows seront mobilisés sur France 5 : C à vous, avec Anne-Élisabeth Lemoine (l’équipe descendant à Cannes dans une partie dite « la suite »), C ce soir avec Karim Rissouli, La Grande Librairie avec Augustin Trapenard. S’y ajoute Quelle Époque, avec Léa Salamé, le samedi soir sur France 2, et bien sûr Culture Box.

Objectif : montrer qu’il n’y a pas meilleur écrin que le service public pour le grand écran. Le groupe diffusera une quarantaine de films pendant la quinzaine, dont la quasi-totalité sera visible en replay sur France.tv, ce qui n’était pas le cas il y a deux ans, au début du partenariat. Au global, France Télévisions projette 350 films par saison et une centaine de courts-métrages, dont 65 % ont été préachetés. À terme, 500 films pourront être regardés sur la plateforme. « Nous restons de très loin la première salle du cinéma français, la deuxième étant France.tv qui a fait +15 % en 2023 », souligne Stéphane Sitbon-Gomez, le directeur des antennes et des programmes, qui se refuse à parler budget mais affirme qu’il est inférieur à celui de Canal+, le précédent partenaire. « Si la télé se faisait comme elle se fait à Cannes, elle serait particulièrement sobre et peu onéreuse », a-t-il lâché, en rappelant qu’il n’a qu’une seule équipe de production sur place.

Une façon de répondre à la CFE-CGC qui a déposé plainte à la suite de « dépenses pharaoniques » de ses dirigeants qui auraient coûté en dix jours 112 000 euros au contribuable après leur déplacement cannois dans les suites du Majestic en 2023 – ce que le groupe conteste en évoquant une opération de bartering [troc, échange] n’ayant pas coûté « un euro d’argent public ». Avec 15 films en coproduction à Cannes, un budget annuel de 63 millions d’euros (+5 % en 2023) et une part de marché de près de 40 % sur les 72 millions d’entrées des films français, France Télévisions ira sur la Croisette avec l’idée de donner « envie d’aller en salles ». Ses images seront exploitées toute l’année au fil de la sortie des films.