TRIBUNE

Avec plus de 700 000 vélos électriques vendus en 2022, une révolution des usages avance au milieu d’un foisonnement du vocabulaire. A nous, agences, d’en comprendre les enjeux pour pouvoir les traduire, concrètement, avec le plus d’impact possible.

La pratique du vélo explose dans les métropoles, et pourtant on assiste à un backlash inattendu. A Lille, le cycliste est persona non grata dans les zones piétonnes. En cause, des incivilités réelles, mais surtout les représentations autour de ce mode de transport, et les mots pour en parler. Le vélo n’est pas vu comme un transport doux, là-bas !

Démonstration tirée d’une citation de Jacques Richir, adjoint municipal aux mobilités dans le média local Vozer : «On s'est mobilisé pour développer et encourager les mobilités douces, donc c'est une très bonne nouvelle. […] On a été alerté par des commerçants, riverains et badauds que ce nombre croissant de vélos pouvait poser soucis dans les secteurs piétons du centre. » Les mobilités douces sont une bonne nouvelle, mais les vélos causent des alertes et des soucis. Symboliquement, ça fait mal.

Aujourd’hui, plusieurs manières de nommer les déplacement décarbonés s’opposent. Un débat d’experts nécessaire pour en révéler les imaginaires associés, mais qu’il faut ensuite traduire pour sortir du jargon et toucher concrètement les préoccupations des citoyens. Pourquoi parle-t-on de mobilités douces ? Il s’agit d’un projet de civilisation ; face aux voitures, un éloge de la décélération, du care. Une promesse positive mais aussi critiquée sur le ton de l’utopie peu sérieuse. D’autant qu’elle s’est brouillée en multipliant ses critères : lenteur, partage, décarbonation... Et là, problème : un bus diesel est-il une mobilité douce ? Idem pour un TGV à 320 km/h.

Atout santé

Ce n’est pas le seul terme. Prenons les mobilités actives, créées en réponse aux critiques adressées aux mobilités douces. Avec un recentrement sur le peu ou pas motorisé et un rejet de l’utopie : la mobilité active, c’est bien de l’action ! D’ailleurs, le vélo mécanique est parfois appelé musculaire. Si ce n’est pas une mobilité de bonhomme, par rapport au VAE, un vélo d’assisté (électrique)... La mobilité active est ainsi parée d’un atout santé. De fait, le Plan vélo et marche 2023-2027, présenté par le gouvernement en mai, valorise les mobilités actives, avec un triple argument environnemental, santé et économique. Alors, débat plié ? Pas si vite. Les mobilités actives valoriseraient cependant une culture de la performance, individualiste, non-inclusive… Bref, elles réaccéléreraient plutôt que de rompre avec le modèle dominant.

Mais surtout, les mobilités actives viennent renforcer un préjugé anti-vélo. Doux, le vélo ? Les trois quarts des Français le jugent dangereux, d’après notre étude Kantar Public-Spintank-Destin Commun, publiée au printemps dernier. Voilà un frein majeur à la conversion au vélo, contre lequel lutter. C’est un insight qui nous avait guidés, en créant le nom du réseau vélo de la Métropole de Lyon, Les Voies Lyonnaises. Un naming qui exclut des notions anxiogènes comme la vitesse, «l’autoroute à vélo», pour embrasser la fluidité, la convivialité. Avec des mots simples, qui résonnent dans le patrimoine des riverains.

En effet, la clé est dans les pratiques des citoyens, et les mots pour les dire. Qui parle de mobilités ? Les politiques, les militants, les experts. Les cyclistes – et ceux qu’il faut convaincre – ont des besoins concrets. Mobilités douces ou actives peut-être ; dans tous les cas, bien trop abstraites. A Lille, le problème concret est clair : faire cohabiter cyclistes et piétons sur les voies piétonnes. Pour le résoudre, il faut nommer les choses frontalement, au risque de laisser les opposants à ces évolutions nécessaires prendre le dessus, avec des arguments simples, mais caricaturaux. En bref, continuons de débattre sur le caractère doux ou actif des mobilités, mais, dans nos campagnes, remettons nos publics au centre et traduisons nos messages : faire du vélo, c’est plus sûr que la voiture, et c’est bon pour la santé !

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.