La fin des cookies tiers oblige l'écosystème à repenser sa capacité de ciblage et de tracking des ventes. Et les solutions alternatives ne sont pas toujours celles que l'on croit.

Après des années d'atermoiements, Google semble résigné à éliminer les cookies tiers de Chrome (d’ici octobre 2024). Dernier des grands navigateurs à refuser les cookies tiers, Chrome est aussi le plus populaire avec 60% de part de marché. Autant dire qu'il y aura un avant et un après. On peut estimer qu'après 2024, moins de 5% des cookies tiers resteront acceptés au global.

Et si cette disparition va affecter - plus ou moins fortement selon les cas - les plateformes publicitaires dans leur capacité à constituer des audiences ou à traquer les ventes, elle n’est pas la seule à ralentir les annonceurs dans la collecte et l’unification des identités numériques. Ce mouvement s'inscrit en effet dans la tendance de fond de protection de la vie privée digitale, qui rythme la vie des marketeurs depuis plusieurs années.

Le sujet des cookies tiers n'est en effet pas nouveau et les canaux publicitaires ont eu le temps de prévoir des contremesures.

Les réseaux sociaux (Meta, TikTok...) seront les moins affectés par cette disparition car s'agissant d'environnements logués, ils ne suivent pas (ou peu) les utilisateurs via des cookies tiers. Google tire également son épingle du jeu, reposant peu sur la constitution d'audiences pour sa vache à lait publicitaire (le search). Les canaux les plus affectés sont le display (programmatique ou non), l'affiliation, les native ads, le retargeting..., ce qu'on qualifie aujourd'hui d'open web.

Le marketing mix de chaque annonceur est différent de celui du voisin mais on peut estimer qu'un maximum de 20% de dépenses média sera très fortement affecté (audiences + attribution), 50% affecté uniquement pour les audiences et 30% peu affecté. L'impact est réel, mais sera probablement limité.

Taux de refus de l’ordre de 25%

En revanche pour certaines adtech, cela marquera probablement la fin des opérations car elles seront privées de leur capacité à bien cibler les utilisateurs et à facturer leurs clients dans des modèles à la performance (puisque privées de données sur les ventes, post-impression notamment).

A ce stade, les cookie first party ne sont pas refusés par les navigateurs, toutefois ils sont loin de pouvoir identifier en toute tranquillité. Les différentes régulations sur la vie privée, et notamment le consentement, laissent le choix aux internautes d’accepter les cookies. Les taux de refus sont de l’ordre de 25% en moyenne avec de fortes disparités.

Les 75% restants passent sous les fourches caudines des navigateurs qui, s’ils ne les refusent pas, vont limiter leur durée de vie. C'est le cas en particulier de Safari, le navigateur d’Apple, qui via sa technologie ITP va limiter à sept jours l’existence des cookies first. Ainsi au bout de 10 jours, un annonceur moyen du web européen ne peut plus identifier (anonymement, rappelons-le) que la moitié des utilisateurs ayant visité son site. De quoi affecter assez profondément l’écosystème technologique en place sur les sites (analytics, A/B testing, personnalisation) et les plateformes publicitaires, une partie d’entre elles ayant migré vers un tracking first-party.

Comment se prémunir contre les conséquences ?

Sur le terrain des cookies tiers, il n’y a pas grand-chose à faire en réalité. Les alternatives tentées par le marché sont trop propriétaires pour remplacer l’identifiant universel qu’est (ou était) le cookie tiers. Les systèmes de partage d'identifiants entre sites d'un même réseau, comme les ID publicitaires partagés (type ID5, criteo ID ou Shared ID) ou Data Clean Room, sont des idées séduisantes mais leur reach est bien trop limité.

La fameuse Privacy Sandbox, poussée par Google depuis des années, ciblant par cohortes et plus par utilisateur, fait plus peur qu'elle n'attire. Enfin, le ciblage contextuel ressemble trop au marketing à l'ancienne pour séduire des marketeurs très appétents aux innovations. Ce sont néanmoins des alternatives qui çà et là aideront à limiter la perte des informations de profilage (audiences).

Concernant les cookies first, l'alternative la plus solide se situe du côté de la collecte de données first-party, c'est-à-dire sur le site de l'annonceur. Comme évoqué, de nombreuses adtech, à commencer par Meta et Google, ont développé des versions first-party de leurs traqueurs, qui conservent la capacité à attacher des conversions aux sollicitations publicitaires.

Outils nouvelle génération

Pour les annonceurs, cela requiert notamment l'utilisation d'outils de collecte de données de nouvelle génération, autrement dit first party et server-side. Ces outils permettront d’une part de stabiliser la qualité de données sur le long terme pour la partie des utilisateurs ayant consenti, notamment quand elles sont dotées de technologies de résurrection des cookies disparus. D’autre part, de la réenrichir via d’autres sources (cross-device, CRM…) pour regagner petit à petit les identités perdues.

Cela se fera au prix de l’adoption de nouveaux outils et de quelques travaux d'adaptation sur les sites mais l'enjeu est de taille car il s'agit ni plus ni moins que de conserver la capacité à collecter de la donnée pour mesurer l'efficacité de ses sites et de ses dispositifs publicitaires. 

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