TRIBUNE

Il faut dépasser la considération selon laquelle les employés sont au service de l’entreprise, et considérer que ces derniers ont un rôle crucial à jouer dans la transformation durable des sociétés.

Les données les plus récentes s’alignent pour dresser un portrait de plus en plus sombre de l’avenir de notre société et de la planète. Dans le meilleur des cas, le réchauffement des océans (l’un des principaux puits de carbone de la Terre) pourrait s'avérer trois fois plus rapide que lors du siècle dernier, ce qui provoquerait des effets en cascade sans précédent, notamment en matière d’alimentation. Dans ce scénario le moins pessimiste, près de 10% de la population mondiale n'aurait pas accès à des moyens de subsistance suffisants pour mener une vie active. Ce sont autant de signaux qui nous somment de repenser le modèle d’aujourd’hui, qui conduit le monde à ses limites.

De ce fait, le secteur privé doit jouer un rôle déterminant, bien au-delà des notions de développement durable ou de responsabilité sociétale des entreprises, qui sont pourtant un premier guide pour se transformer durablement. À l’heure où les entreprises doivent, pour vivre, intégrer les nouvelles technologies de façon positive, miser sur toujours plus d’authenticité et être transparentes, donner du sens à leurs salariés – et a fortiori aux consommateurs qu’ils sont par ailleurs – est aujourd’hui un avantage concurrentiel et économique indéniable. Le courage d’avoir des positions claires sur les sujets environnementaux et sociaux (y compris, parfois politiques) permettra à l’entreprise de redevenir citoyenne. Pour cela, il est essentiel de dépasser la considération selon laquelle les employés sont au service de l’entreprise et de voir au-delà. Le plus intéressant est en effet de (re)considérer que l’entreprise est aussi au service de ses salariés, des citoyens.

Ces derniers ont effectivement un rôle crucial à jouer. Ils s’engagent quotidiennement et l’entreprise doit laisser la place de l’exprimer. Éduquons nos structures et amenons la liberté d’entreprendre pour que ces citoyens-salariés puissent refonder urgemment le pacte social de l’entreprise. Cassons donc les silos entre les politiques RH, RSE et financières. Augmentons la notion d’« engagement » au sens noble du terme, avec une raison d’être solide tournée vers ses salariés, et provoquons de nouvelles finalités économiques, au service de ceux-là mêmes qui vont consommer les services ou produits qu’ils fabriquent au quotidien. Laissons la transformation s’opérer par le bas, qu’elle soit impulsée par les acteurs du premier rang de l’entreprise. L’ambition n’est pas de couper le modèle économique qui la fait vivre mais d’instaurer une nouvelle relation au travail et à la création de valeur. Cela ne relève pas d’un nouveau concept mais bien du bon sens, appuyé par toute une génération qui déserte le modèle bâti depuis l’ère industrielle et qui aspire à un renouveau du monde de l’entreprise.

La sociétal avant le capital

Cette rotation va être longue et va appeler un certain nombre d’arbitrages au quotidien. Ainsi, cela impliquera d'avoir l'audace d'écouter ses salariés et de lancer une nouvelle gamme de produits à plus fort impact sociétal quand bien même la rentabilité serait moins bonne. Cela demandera aussi d'avoir le courage de stopper des produits ou services fortement générateurs de revenus/profits parce qu'ils ne sont plus en cohérence avec l'engagement des collaborateurs.

Ces choix engendreront sans doute des débats houleux. La solution sera de les dépassionner en objectivant les décisions et en évaluant de manière rigoureuse les impacts économiques, sociaux et environnementaux de ces dernières. Gardons à l’esprit qu’il s’agit aussi là de contribuer à l’épanouissement personnel et à l’accomplissement professionnel de ses salariés, pour provoquer une performance durable pour l’entreprise et, in fine, pour la société dans laquelle elle évolue.

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