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La création publicitaire peut-elle nous sauver d’une représentation dystopique du futur ? Est-elle capable de rendre désirables les changements à opérer pour la transition écologique ? Peut-elle renverser les valeurs qu’elle a contribué à mettre en place et, par exemple, faire de la sobriété le mode de vie le plus inspirant du XXIe siècle ? Pour le moment c’est de la science-fiction, mais un exercice de style vivifiant pour réenchanter nos métiers et les ancrer dans le réel.

Dans nos métiers, on adore parler de futur : futures tendances, futurs de la création, futures plateformes, futures technos... On a hâte de se projeter dans ces promesses.

C’est paradoxal parce que de retour dans nos vies personnelles, dans les médias et la culture, le futur est un cauchemar. Dans l’entertainment, pléthore de séries mainstream prennent pour décor l’effondrement de nos sociétés et l’apocalypse (The Last of us, Years and Years, Extrapolation, l’effondrement…).

Évidemment, le but des médias et des institutions est de nous informer des dérèglements et des impacts sur nos modes de vie. Évidemment, c’est le rôle de la fiction de nous faire vivre par anticipation des drames pour nous mettre en garde. Le problème ? Cet imaginaire est devenu le seul imaginaire visible.

La plupart des catastrophes envisagées sont liées au fait que le combat contre le dérèglement climatique est perdu d’avance. C’est l’imaginaire de la défaite qui domine et cela a un impact sur la santé mentale et l’engagement.

Selon une étude menée par The Lancet Planetary Health en 2021, en Europe, 75 % des 16 - 25 ans trouvent le futur effrayant, et 56 % d’entre eux considèrent que l’humanité est condamnée.

On les comprend, comment se projeter dans l’avenir si tout est perdu d’avance ? Pourquoi adopter de nouveaux comportements si toutes les alternatives sont présentées comme dérisoires ?

Pourtant, rien n’est perdu.

Depuis plusieurs années dans la culture alternative, nous voyons émerger des idées éclairantes pour le futur.

Le courant « Solar Punk » imagine des futurs solaires et durables.

La « Protopie », conçue par Kevin Kelly (co-fondateur du magazine Wired), propose de dépasser la binarité entre utopie et dystopie grâce à la progression.

Et toute une nouvelle vague d'auteurs de science-fiction tente de donner vie à la promesse du génial Rob Hopkins : « Je suis allé dans le futur et nous avons gagné ».

Mais ce sont des tendances confidentielles qui touchent des personnes déjà sensibilisées.

S’il existe une industrie qui pourrait propulser ces sujets auprès du grand public, les rendre audibles, désirables et accessibles, c’est peut-être la publicité et les marques.

Si la valeur d'une marque se mesure au problème qu'elle résout, n'ont-elles pas un rôle à jouer dans la résolution de ce problème majeur ?

Si Edward Bernays, « père de la communication publique telle que nous la connaissons », a réussi - avec la publicité - à vendre la cigarette comme un outil d'émancipation, à faire en sorte que toutes les villes américaines remplacent leurs tramways par des voies rapides pour célébrer les voitures et à faire passer les œufs au bacon pour un repas équilibré au monde entier. Alors, on peut imaginer que la création publicitaire peut rendre désirables les modes de vie qui nous mèneront vers les scénarios les plus optimistes du GIEC.

Notre industrie a déjà contribué à ringardiser le jetable, le gaspillage, et à transformer l’image de la seconde main avec l’upcycling. Elle propose également de nouvelles manières de nous déplacer, de nous nourrir, de consommer, mais tout cela reste encore marginal.

Entre les registres des dystopies pour les fictions, des actions de sensibilisation souvent perçues comme de la culpabilisation, et celui de l’information continue, la création publicitaire a une place à prendre. Elle a les talents pour doter l’écologie du soft power dont elle a besoin et booster l’imaginaire d’un futur encourageant.

On peut se poser la question de notre légitimité à prendre la parole sur ces sujets. A-t-on le droit de sensibiliser au climat si nous n’avons pas le business modèle de Patagonia et pour nous agence, un portefeuille 100% vertueux ?

On vous le dit, au point où nous en sommes, visons la progression plus que la perfection.

Nous avons hésité à partager cette réflexion, parce que nous ne sommes ni des militants, ni des futurologues et que nous ne sommes pas exemplaires. Nous aimons notre métier, les marques et la création publicitaire, et le défi que l’avenir nous donne est pour nous une formidable opportunité de nous réinventer.

Et si par hasard, vous lisez ce texte jusqu’au bout et vous vous posez les mêmes questions que nous, rencontrons-nous : [email protected].

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