Alors que le prix Nobel de la paix vient d'être attribué à la militante iranienne Narges Mohammadi, retour sur la réalisation du film Le premier cri, réalisé par un collectif en mémoire de la mort de Masha Amini et de toutes les femmes iraniennes qui continuent de défendre leurs libertés fondamentales.

« Femme, vie, liberté ». Ces mots, l’Iran a commencé à les scander le jour du décès tragique d’une jeune femme iranienne de 22 ans, Masha Amini. Depuis, le monde entier s’est associé au mouvement et ces affirmations sont devenues le nouvel hymne à la liberté des femmes en Iran. En écho à ce chant, un an après la mort de Masha Amini, sort le film « Le Premier cri », signé du collectif composé de Barka Zerouali, Bouchra Rejani, Laurie Lacourt, Bruno Aveillan, Zoé Balthus, Aicha Fetouhi, Vanessa Djian et Yamina Belarbi. « Aux prémices de ce mouvement, il y a eu beaucoup de soutien en France, on se souvient notamment de cette vidéo montrant des actrices françaises se couper les cheveux, mais depuis, les réactions se sont un peu estompées. Nous avons simplement souhaité faire une piqûre de rappel pour que la révolte continue », introduit le réalisateur du film Bruno Aveillan.

« L’idée est venue de manière spontanée. Bouchra Rejani (fondatrice de la société de production WeMake), touchée par la situation en Iran, a contacté l’agence de Barka Zerouali, Hope, et elle m’a sollicité afin de réaliser quelque chose. À l’époque, il y a un peu près un an, il n’y avait pas vraiment d’idée précise mais m’associer à cette cause qui me touche a suffi à me convaincre », poursuit Bruno Aveillan. Entre-temps, Barka Zerouali, Laurie Lacourt, directrice créative chez FamousGrey, et l'écrivaine Zoé Balthus ont travaillé sans relâche sur une ébauche de texte qui deviendra par la suite une lettre, poétique, qui prend aux tripes. « Dans cette lettre, chaque mot devait être fort, percutant, il fallait porter la voix de toutes ces femmes. C’est pourquoi nous sommes allées voir l’association de femmes iraniennes, Azadi, qui porte leur voix, pour comprendre chacun des ressentis, cela nous a pris plusieurs mois avant de trouver la bonne version », témoigne Barka Zerouali.

Ainsi cette vibrante lettre deviendra le script d'un film d’une minute qui témoigne d’un message d’espoir et d’amour d’une petite fille qui va naître à la femme qu’elle deviendra. À l’instar du film, elle met en avant ce premier cri, symbole de la naissance et du champ des possibles. Et celle qui donne vie à ces mots est Zar Amir. Actrice, productrice et réalisatrice d'origine franco-iranienne, elle a tout de suite répondu présente pour donner de sa voix. « J’avais déjà en ligne de mire Zar car je l'avais entendue sur France Info, j’ai trouvé sa voix percutante », se remémore la fondatrice de Hope, Barka Zerouali. Pour donner une portée internationale à ce film, l’actrice a réalisé une version en français sous-titrée en anglais et une version en farsi.

Lever le voile

À l’écran, l’image a elle aussi son importance, on y voit une femme habillée d’un voile léger, presque transparent, qui avec les secondes se retire pour ériger en majesté un ventre arrondi. « Je pense que la meilleure façon d’illustrer le contenu de cette lettre était d’évoquer un bébé sans montrer un fœtus, il fallait ramener le message à quelque chose d’essentiel. Je ne voulais pas non plus commencer par un visage, c’est pourquoi le film commence sur un nombril sous un textile. Globalement, la volonté était de ne pas rentrer dans quelque chose de trop illustratif », traduit Bruno Aveillan. 

Le réalisateur a également fait le choix de mettre l'image en noir et blanc – peaufinée par la boîte de production Quad –, une manière de se recentrer sur l’essentiel, et de ne laisser place qu’à l’émotion qui transpire dans ce film. « Le noir et blanc peut aussi être vu comme une symbolique de la noirceur que vivent ces femmes », ajoute-t-il. En revanche, le collectif tient à rappeler que l’idée du voile n’a pas pour vocation à délivrer un message religieux ou politique. Au contraire, leur message se veut universel. « C’est un hommage poétique à la force irrépressible de la vie qui caractérise la résilience et la détermination de la jeunesse iranienne. Il exprime le désir ardent et légitime de liberté, qui permettrait à toutes les femmes de danser, chanter, étudier, aimer selon leur propre volonté », avance Barka Zerouali. « Les noms des femmes citées dans le film renforcent le message d'unité et de solidarité entre les femmes iraniennes », poursuit Laurie Lacourt. Une ode aux femmes et à la liberté appuyée par l’air de la révolte italienne « Bella Ciao ». Le son, utilisé dans sa forme originale, a été retravaillé par la société de production The Dog.

Plus qu'un film

Si le projet aura mis un an avant de voir le jour, le résultat ne s’est pas fait attendre. Le film a été vu plus de 100 000 fois moins de 24 heures après la publication du film sur YouTube et les réseaux sociaux. Avec une communauté de 125 000 abonnés sur son compte Instagram, Bruno Aveillan rapporte qu’après avoir publié la vidéo, 3000 personnes l’ont partagée le jour même. « Évidemment, l’idée n’est pas de s’arrêter là ! Ce n’est pas juste un coup, ni un film de pub. Le film doit continuer à vivre », tient à rappeler le collectif. Selon Bouchra Rejani, l'objectif final serait « de proposer aux grandes instances de recevoir des associations pour porter la voix des femmes iraniennes et des femmes en général ». De son côté, Mediatransports a accepté de diffuser gratuitement l'affiche du film dans certaines stations du métro parisien. Si tout le monde n’a pas pu prendre la parole pour raconter ce film, tous ont répondu présent pour participer à ce grand projet de soutien « afin de montrer qu’on ne les oublie pas »

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